Cette mesure exceptionnelle qui doit permettre d'alléger les associations de la charge financière liée au maintien de salaire légal ou conventionnel (en fonction de l'ancienneté du salarié), est prévue à l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020[1].

Nous vous présentons les modalités d’application de cette mesure, mais de nouvelles précisions sont encore attendues par décret.

Les salariés concernés

Ce basculement en activité partielle imposé par la loi ne concerne que :

  • les salariés vulnérables ou fragiles faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile en raison de l’existence d’un risque de développer une forme grave d'infection au virus du Covid-19, selon des critères définis par voie réglementaire[2] ;
  • les salariés partageant le même domicile qu'une personne vulnérable ;
  • et les salariés parents d'un enfant de moins de 16 ans ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile.

A noter. Il semble que les salariés isolés du fait de leur contact rapproché avec une personne malade du Covid-19 ou du fait de leur retour d’une zone de circulation active du Covid-19 ne soient pas visés et continuent, de fait, de relever de l’Assurance maladie. Il en va de même pour les salariés atteints du Covid-19 qui resteraient pris en charge au titre de l’Assurance maladie.

Les conditions de ce basculement en activité partielle

Dans l’attente de la publication d’un texte réglementaire devant fixer les modalités d’application de cette mesure, l’article 20 de la loi de finances rectificative pour 2020 précise déjà qu’elle est applicable aux salariés concernés à compter du 1er mai 2020, quelle que soit la date du début de leur arrêt de travail.

Il ressort aussi de cet article que le placement de ces salariés en activité partielle s’effectuera à cette date, même si l’association dont ils relèvent n’est pas elle-même en activité partielle, aucune fermeture temporaire ou réduction de l'horaire de travail en deçà de la durée légale n'étant en effet requise dans ce cadre.

Etant donné que ce placement ne serait cependant pas justifié par la situation de l’association, mais par la situation personnelle de ces salariés (garde d’enfants, vulnérabilité, etc.), le gouvernement a anticipé en adaptant temporairement le dispositif actuel d’activité partielle pour permettre ce placement individuel en activité partielle et, a fortiori, autoriser les associations à individualiser le recours à l’activité partielle (alors qu’en temps normal, le dispositif ne peut être mobilisé que collectivement) par le biais de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020.

La demande de placement individuel en activité partielle

Cette demande devra être déposée par l’employeur auprès de la Direccte sur le portail dédié dans les 30 jours après le placement en activité partielle des salariés concernés.

Selon un communiqué de l’Assurance maladie du 27 avril 2020 (très largement inspiré d’une note du ministère des Solidarités et de la Santé du 20 avril 2020), les associations devront, préalablement à cette demande, effectuer les démarches suivantes :

  • « Si le motif initial de l’arrêt du salarié était la garde d’enfant et qu’il ne peut pas reprendre son activité à compter du 1er mai 2020, le salarié doit être placé en activité partielle. Pour cela, l’employeur :
    • ne doit plus déclarer d’arrêt de travail sur le site declare.ameli.fr ;
    • effectue un signalement de reprise anticipée d’activité via la déclaration sociale nominative (DSN) pour les arrêts en cours dont le terme est fixé à une date postérieure au 30 avril ;
    • réalise une demande d’activité partielle sur le site dédié du gouvernement (dans les 30 jours suivant le 1er mai). »

A noter. Le salarié n’a pas de démarche particulière à effectuer, si ce n’est de fournir à son employeur, ou de renouveler, si nécessaire, l’attestation sur l’honneur précédemment fourni précisant qu’il est dans l’impossibilité de travailler compte tenu de la fermeture de l’établissement d’accueil de son enfant et, le cas échéant, qu’il ne dispose pas d’un mode de garde même en tant que professionnel prioritaire.

  • « Si le salarié était en arrêt de travail par mesure de précaution (au titre des recommandations du Haut Conseil de la santé publique ou parce qu’il cohabite avec une personne à protéger) et qu’il ne peut pas reprendre son activité à compter du 1er mai 2020, il doit également être placé en activité partielle. Pour cela :
    • le salarié doit remettre à son employeur un certificat d’isolement (dans la mesure du possible avant le 1er mai), qui lui aura été adressé automatiquement par l’Assurance maladie ou établi par un médecin de ville ;
    • l’employeur effectue un signalement de reprise anticipée d’activité via la déclaration sociale nominative (DSN) pour les arrêts en cours dont le terme est fixé à une date postérieure au 30 avril ;
    • l’employeur (sur la base du certificat d’isolement remis par le salarié qui ne devrait pas comporter de terme) procède à une déclaration d’activité partielle sur le site du gouvernement (dans les 30 jours suivant le 1er mai).

Concernant les personnels soignants[3] vulnérables ou cohabitant avec une personne vulnérable, les mesures particulières (destinées à assurer la continuité du service tout en les protégeant au maximum) restent inchangées et seront appliquées au cas par cas en lien avec la médecine du travail de l’établissement. »

A noter. Pour plus de précisions sur la gestion des arrêts de travail dérogatoires en cours qui prendront fin le 30 avril 2020, deux fiches pratiques détaillant les modalités pour chaque situation sont disponibles en ligne sur le site Ameli.fr : garde d'enfant et personnes vulnérables.

Dans tous les cas, les associations porteront une attention particulière à l’information de ces salariés sur les conséquences de leur placement en activité partielle (notamment en termes d’indemnisation).

La consultation du CSE

Selon le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle[4], « l’avis rendu par le CSE (dans les associations de 50 salariés et plus), qui doit en principe intervenir préalablement au recours à l’activité partielle, pourra intervenir après le placement des salariés en activité partielle et être adressé dans un délai de 2 mois à compter de la demande d’activité partielle. »

Les associations de 50 salariés et plus disposent donc d’un délai de 2 mois à compter de leur demande de placement en activité partielle à la Direccte pour consulter le CSE et transmettre l’avis du CSE à l’administration, et ce au vu de la crise sanitaire actuelle liée à l’épidémie de Covid-19.

A noter. Elles doivent préciser, dans leur demande de placement en activité partielle, la date prévue de consultation du CSE.

Toutefois, dans le cadre spécifique du placement en activité partielle des salariés en arrêt de travail dérogatoire, la fiche technique du ministère du Travail relative au dispositif exceptionnel d’activité partielle et Covid-19 (mis à jour le 29 avril 2020 en fin de journée) est venue préciser qu’il n’y avait pas d’obligation à consulter le CSE.

Pour Nexem, une information/consultation du CSE à ce titre sera à prévoir dès que possible, afin que les élus puissent aussi servir de relais en cas de questions des salariés concernés..

Pour les associations de moins de 50 salariés, si cette consultation n’est pas obligatoire, il est vivement recommandé à ces associations d’informer le CSE (en présence de cette instance) et directement les salariés concernés de leur placement en activité partielle à compter du 1er mai 2020.

L’indemnisation de l’activité partielle

L’indemnisation des salariés concernés ainsi placés en activité partielle à compter du 1er mai 2020, s’effectuera dans les conditions dérogatoires fixées par les décrets du 25 mars et 16 avril 2020[5] dans le cadre de la crise sanitaire actuelle.

Comme tout salarié en activité partielle, ils percevront une indemnité d'activité partielle à hauteur de 70 % de leur salaire horaire brut (tout en sachant que le taux horaire brut de cette indemnité obligatoire d’activité partielle ne peut pas aller en-deçà de 8,03 € brut, ce qui équivaut finalement à verser le Smic net actuel), soit l'équivalent en moyenne de 84 % de leur salaire horaire net : cette indemnité leur sera versée à l’échéance normale de paie par les associations qui pourront, le cas échéant, se faire intégralement rembourser ensuite par l’État.

A noter. Si rien n’empêchera les associations d’indemniser ces salariés au-delà de 70 % du salaire horaire brut si elles le souhaitent (par accord d’entreprise ou par décision unilatérale de l’employeur), cette part additionnelle resterait toutefois à la charge des associations. Il nous semble important, avant de s’engager dans le versement d’un complément à l’allocation partielle, d’obtenir l’aval des autorités de contrôle et de tarification. En tout état de cause, l’accord conclu (ou la décision unilatérale de l’employeur) devra être soumis à la procédure d’agrément.

Pour plus de précisions sur le dispositif exceptionnel d'activité partielle (et plus particulièrement sur le régime fiscal et social de l'indemnité d'activité partielle), une FAQ sur l'activité partielle est tenue à votre disposition sur notre site internet.

L’éligibilité des associations au dispositif d’activité partielle dans le cadre de ce basculement

Lors d’une conférence téléphonique en date du 18 mars 2020 avec Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des Personnes handicapées, Nexem s’était vu indiquer qu’aucun professionnel ne devait être placé en chômage technique pour les ESMS du secteur personnes handicapées.

Ainsi, pour l’heure, le recours au dispositif exceptionnel d’activité partielle par ces associations n’était pas envisagé par les autorités de contrôle et de tarification. En effet, dans une logique d’assurer la continuité de l’activité, l’employeur devait d’abord penser à réorienter ses salariés vers d’autres établissements ou services de son association ou envisager une mise en place du télétravail lorsque cela est possible.

En définitive, le recours au dispositif exceptionnel d’activité partielle ne devait être envisagé qu’après concertation avec les autorités de tarification et de contrôle mais aussi après échanges préalables avec la Direccte pour étudier la recevabilité de la demande.

Toutefois, depuis le 23 avril 2020, le ministère du Travail est venu préciser dans sa fiche technique relative au dispositif exceptionnel d’activité partielle et Covid-19 que « les associations figurent dans le champ des structures éligibles à l’activité partielle. Comme les entreprises, elles doivent respecter les motifs de recours prévus par la réglementation. Les ressources spécifiques dont peuvent bénéficier les associations (subventions) conduisent à rappeler le principe selon lequel le recours à l’activité partielle ne saurait conduire à ce que leurs charges de personnel soient financées deux fois, une première fois par des subventions et une seconde fois par l’activité partielleLes demandes déposées par les associations bénéficiant de subventions doivent donc respecter cette obligation. Des contrôles seront réalisés a posteriori et en cas de constat d’un financement en doublon, les subventions seront ajustées à la baisse. »

On peut donc en conclure qu'au vu de l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2020, de l'ordonnance du 22 avril 2020 et de la récente mise à jour de la fiche technique du ministère du Travail sur l'activité partielle, les associations pourront, à notre sens et dans le cadre de ce basculement, placer lesdits salariés en arrêt de travail dérogatoire dans le dispositif d'activité partielle à compter du 1er mai 2020 (s'ils se trouvent toujours dans l’impossibilité de continuer à travailler), ce basculement en activité partielle décidé par le gouvernement leur étant pleinement opposable compte tenu des informations en notre possession à ce jour.

Au vu de la fiche technique du ministère du Travail sur l'activité partielle, on pourrait penser que les associations (même si elles bénéficient de subventions publiques) seraient certes en droit de placer les salariés concernés en activité partielle à compter du 1er mai prochain mais ne devraient pas demander à l'Etat le remboursement de l'indemnité d'activité partielle versée à ces mêmes salariés, sous peine d'ajustement à la baisse de leurs subventions publiques en cas de contrôle. Pour autant, avant de s’abstenir de demander le bénéfice de ce remboursement, il nous semble important que les associations se rapprochent de leur autorité de contrôle et de tarification pour savoir si leurs dotations seront bien maintenues pendant toute la période de crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 (y compris s’il y a eu des fermetures d’établissement ou de services).

Si les associations ne sollicitaient pas ce remboursement, elles pourraient néanmoins bénéficier de l'exonération de cotisations sociales sur cette indemnité d'activité partielle : à cette fin, elles devraient faire une demande d’autorisation à la Direccte dans les conditions normales de placement en activité partielle (comme nous l’avons vu précédemment). Elles n’auraient pas à faire de demande d’indemnisation par la suite. Elles informeraient simplement la Direccte de cet engagement à ne pas bénéficier de l’indemnisation par l’État.

La durée de ce placement individuel en activité partielle

Pour les salariés parents d’un enfant de moins de 16 ans ou en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure de maintien à domicile, leur placement en activité partielle devrait être principalement mobilisé a minima jusqu’au 11 mai 2020 (date prévue de la fin du confinement et de réouverture des écoles) et, au plus tard, pendant toute la durée de la mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile de leur enfant.

Pour les salariés vulnérables ou qui partagent leur domicile avec un proche vulnérable, leur placement en activité partielle pourra être maintenu jusqu’à une date fixée par décret (non paru à ce jour) et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2020.

Les alternatives à ce basculement en activité partielle

Légalement, les associations ne doivent procéder à la bascule des salariés concernés vers un dispositif d’activité partielle que s’ils sont toujours dans l’impossibilité d’exercer leur activité professionnelle à compter du 1er mai 2020.

Avant d'envisager de basculer lesdits salariés en arrêt de travail dérogatoire sur le dispositif d’activité partielle, les associations ont alors tout intérêt à se saisir de cette opportunité pour s’interroger sur leur organisation du travail et plus particulièrement sur leurs possibilités d'aménager les conditions de travail des salariés concernés dans une optique de reprise du travail directement dans les locaux de l’association et/ou à distance.

Elles pourraient notamment échanger avec les salariés parents d’enfant de moins de 16 ans ou en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure de maintien à domicile, sur la mise en place provisoire d’un télétravail adapté à sa situation (sur tout ou partie de la semaine) et/ou un aménagement de leurs horaires de travail.

Vis-à-vis des salariés vulnérables ou qui partagent leur domicile avec un proche vulnérable, les associations pourraient éventuellement envisager, avec ces salariés, le recours temporaire au télétravail et/ou, le cas échéant, une reprise du travail dans les locaux de l’association (en lien avec le médecin du travail) en limitant au maximum le risque de contamination au Covid-19 avec le respect des mesures suivantes :

  • bénéficier d'une prise de température à l'entrée et au départ des locaux ;
  • respecter impérativement les gestes barrières ;
  • dans la mesure du possible, porter un masque, même « grand public » (en sachant qu'il faut au moins 2 masques par jour) ;
  • bénéficier d'une désinfection régulière de leur poste de travail ;
  • et aménager leur poste de travail (notamment en évitant tout contact avec les personnes accueillies, usagers ou résidents).

Il est donc important pour les associations de (re)prendre contact avec l’ensemble de ces salariés afin de recueillir leurs positions, interrogations et idées sur une éventuelle reprise du travail directement dans les locaux de l’association ou à distance. Ainsi, cela pourrait permettre aux associations d’éviter de les placer en activité partielle ou de limiter la durée de ce placement.

Afin de les aider dans cette réflexion, les associations pourront consulter notre article visant à les accompagner dans la préparation du déconfinement post Covid-19.


[1] JO du 26 avril 2020.

[2] A notre sens, la définition des caractéristiques des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus devrait, en principe, reprendre la liste établie après avis du Haut Conseil de la santé publique le 31 mars 2020.

[3] Rappel. Selon l’Assurance maladie, « sont considérés comme soignants les professionnels de santé ainsi que les salariés des établissements de santé et des établissements médico-sociaux qui sont au contact direct des personnes accueillies ou hébergées pour leur apporter des soins ou une aide à l’accomplissement des actes de la vie quotidienne ». A notre sens, cela vise par conséquent avant tout le personnel éducatif, pédagogique et social, le personnel paramédical ou encore le personnel médical.

[4] JO du 26 mars 2020

[5]  Décret n°2020-435 du 16 avril 2020, JO du 17 avril 2020