CJUE, 1re ch., 8 mai 2019, aff. C-486/18, Praxair MRC

Dans cette affaire, une salariée en congé parental, exercé à temps partiel, est licenciée pour motif économique et bénéficie, avant de sortir définitivement des effectifs de l’entreprise, d’un congé de reclassement.

Cette salariée conteste le montant de l’indemnité de licenciement et de l’allocation de congé de reclassement, dans la mesure où l’employeur avait tenu compte, dans leur calcul, de la rémunération réduite liée à l’exercice d’un congé parental à temps partiel.

Rappel. En droit français, le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois[1].

De plus, lorsque le salarié concerné est occupé à temps complet et à temps partiel, l’indemnité de licenciement doit être calculée proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une l’autre de ces deux modalités[2].

La question se posait donc de savoir si le calcul de l’indemnité de licenciement d’un salarié en congé parental à temps partiel devait tenir compte de la réduction de la durée du travail.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu aux deux questions préjudicielles qui lui étaient posées par la Cour de cassation.

D’une part, selon la Cour, et conformément à sa jurisprudence antérieure[3], la clause n°2 §6 de l’accord-cadre sur le congé parental du 14 décembre 1995, annexé à la directive 96/34/CE du 3 juin 1996 « doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à ce que, lorsqu'un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel, l'indemnité de licenciement et l'allocation de congé de reclassement à verser [au travailleur] soient déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu'il perçoit quand le licenciement intervient ».

Cette clause pose le principe du maintien des droits acquis du travailleur à la date du début du congé parental, dont il doit bénéficier à son terme[4].

En d’autres termes, le calcul de l’indemnité de licenciement ne doit pas tenir compte de la rémunération réduite en raison de la prise d’un congé parental à temps partiel, mais bien de la rémunération à temps complet du salarié concerné.

D’autre part, une norme nationale ne peut prévoir que « lorsqu'un travailleur […] à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel, ce travailleur reçoit une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu'il perçoit quand le licenciement intervient », en application de l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui interdit toute discrimination, directe ou indirecte, entre travailleurs masculins et travailleurs féminins.

Rappel. Une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre (sauf si elle justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, ce qui n’est pas le cas en l’espèce).

Or « un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel ». En France, 96 % des salariés prenant un congé parental sont des femmes ».

Dès lors, la législation française n’est pas conforme à l’article 157 du TFUE.

Cette jurisprudence communautaire est particulièrement intéressante dans la mesure où, si la directive invoquée n’est pas d’application directe en France, l’article 157 du TFUE s’impose aux Etats membres.

Pour l’heure, nous sommes toujours en attente d’une modification de la législation pour que ces dispositions s’imposent directement à l’employeur. Dans cette attente, Nexem préconise de calculer l’indemnité de licenciement sur la base du salaire à temps plein.


[1] Article R. 1234-4 du Code du travail.

[2] Article L.3123-5 du Code du travail.

[3] CJCE, 22 oct. 2009, aff. C-116/08, Meerts c/ Proost NV

[4] La Directive 96/34/CE, invoquée dans cette affaire, a par la suite été abrogée et remplacée par la Directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, portant application d’un nouvel accord-cadre sur le congé parental du 18 juin 2009, dont la clause 5§4 pose désormais aussi le principe de protection des travailleurs contre un traitement défavorable ou le licenciement pour demande ou prise de congé parental.