Avec plus d'un an de retard sur le calendrier initial, le décret tant attendu sur le CDD remplacements multiples vient d'être publié. Le décret du 18 décembre 2019[1], paru au Journal officiel du 19 décembre 2019, définit les secteurs d'activité autorisés à mettre en œuvre l'expérimentation sur le remplacement de plusieurs salariés par un seul salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée (CDD) ou d'un contrat de travail temporaire.

Le nouveau cadre juridique du CDD à remplacements multiples

Le décret du 18 décembre 2019 fixe les secteurs d'activité habilités à recourir au CDD à remplacements multiples. Grâce aux multiples actions de Nexem et de ses partenaires auprès du gouvernement, le secteur sanitaire, social et médico-social est concerné.

Le cadre strict du Code du travail

Le Code du travail autorise la conclusion du CDD pour le remplacement « d'un salarié »[2].

Cela implique que l’employeur doit recourir à un CDD pour chaque remplacement. Ainsi, si plusieurs salariés de l’association sont absents, l’employeur doit conclure autant de CDD qu’il y a de salariés à remplacer. Quant au salarié, il ne peut pas avoir plusieurs CDD sur une même période avec ce même employeur.

Le texte est appliqué strictement par la Cour de cassation qui exclut la conclusion d’un CDD pour remplacer plusieurs salariés (jurisprudence constante et abondante).

Une nouvelle possibilité en matière de remplacement

Les associations et établissements concernés :

Le décret n° 2019-1388 du 18 décembre 2019 définissant les secteurs d'activité autorisés à recourir à ce type de CDD liste en même temps les conventions collectives de rattachement visées.

Ainsi, peuvent recourir aux CDD remplacements multiples les associations et établissements relevant du secteur sanitaire, social et médico-social, appliquant l’une des conventions collectives suivantes :

  • convention collective nationale de l'hospitalisation privée (IDCC : 2264) ;
  • convention relative aux établissements médico-sociaux de l'union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux (IDCC : 0405) ;
  • convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (IDCC : 0029) ;
  • convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (IDCC : 0413) ;
  • centres d'hébergement et de réadaptation (IDCC : 0783) ;
  • convention collective nationale des centres de lutte contre le cancer (IDCC : 2046) ;
  • convention collective Croix Rouge (IDCC : 5502) ;
  • convention collective nationale des médecins spécialistes qualifiés au regard du conseil de l'ordre travaillant dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (IDCC : 1001).

A notre sens, le recours au dispositif est lié non seulement à l'appartenance à un des secteurs d'activités visés mais aussi à l'application d'une convention collective indiquée. Ainsi, les associations du secteur (et leurs établissements) doivent appliquer une des conventions collectives listées dans le décret pour recourir à ce type de CDD (ex. la CCN du 15 mars 1966, les accords collectifs CHRS, la CCN du 31 octobre 1951, etc.).

L’élargissement

Le décret du 18 décembre 2019 permet incontestablement d’avoir plus de souplesse dans le recours au CDD. Un seul et même CDD pourra « servir » à remplacer simultanément ou successivement plusieurs salariés absents.

Par exemple, une personne embauchée en CDD à temps complet pourra pallier l’absence simultanée de deux salariés à mi-temps ou aux absences successives de plusieurs salariés sur une même période.

Un dispositif expérimental

Ce dispositif issu de la loi Avenir professionnel[3] avait initialement prévu une expérimentation du « 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020 ».

En raison de la parution tardive du texte, le législateur devrait prolonger la durée de l’expérimentation. Un projet de loi « portant diverses mesures d’ordre social », déposé le 13 novembre 2019 à l’Assemblée nationale, prévoit de prolonger cette expérimentation jusqu’au 1er janvier 2023.

En tout état de cause, la parution du décret rend le dispositif applicable. En effet, le texte s'applique aux CDD ou contrats de travail temporaire conclus à compter du lendemain de la publication du décret, soit le 20 décembre 2019.

Ancien dispositif Nouvelles possibilités
Un CDD pour chaque remplacement.

Si plusieurs salariés sont absents, autant de CDD que de salariés à remplacer.

Un même salarié ne peut pas avoir plusieurs CDD sur une même période.

Un seul CDD (ou un seul contrat de travail temporaire) peut être conclu pour remplacer simultanément ou successivement plusieurs salariés sur la même période.

 

Exemple. Dans une association 3 éducateurs prennent leurs congés sur la période estivale de la manière suivante : Marie en juillet, Nicolas en août et Lucie en septembre.
Solution juridique :

L’employeur pourra recourir au même salarié pour effectuer le remplacement. Toutefois, il devra conclure 3 CDD de la manière suivante :

● un CDD pour le remplacement de Marie en juillet,

● un CDD pour le remplacement de Nicolas en aout,

● un autre CDD pour le remplacement de Lucie en septembre.

Solution juridique :

L’employeur pourra recourir au même salarié pour effectuer le remplacement. Un seul CDD de remplacement sera conclu.

Modalités pratiques de mise en œuvre : les préconisations de Nexem

Les employeurs du secteur ont souvent recours aux CDD de remplacement pour pallier les absences de leurs salariés.

Depuis le 20 décembre 2019, une association peut recourir au CDD à remplacements multiples simultanés ou successifs, sans contrevenir aux dispositions légales.

Bien que ce dispositif présente un réel intérêt, des difficultés pratiques sont à craindre et des questions restent sans réponse en l’absence de textes précisant les modalités de recours.

Des incertitudes demeurent

  • Quelles mentions le CDD devra contenir lorsqu’il devra remplacer plusieurs personnes ?
  • Comment rédiger le CDD en cas d’embauche directe pour plusieurs remplacements avec des durées d’absences différentes ?
  • Lorsqu’un second remplacement est envisagé au cours d’un premier CDD, comment rédiger l’avenant au contrat initial ?
  • Comment rémunérer un salarié qui remplace plusieurs salariés sur des postes différents ?
  • Quel sera le terme du CDD lorsqu’un seul remplacement prend fin ? Quand établir les documents de fin de contrat ? A quel moment verser les indemnités de précarité ou de congés payés ? Quid de l’impact sur la rémunération du salarié lorsqu’un remplacement prend fin (information écrite du salarié) ?

Il convient, en outre, de rappeler que ce dispositif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l’association.

Nexem proposera prochainement un modèle de CDD remplacements multiples afin de sécuriser au mieux le recours à ce dispositif expérimental.

Remarque. Nexem va questionner la direction générale du travail, afin que soient précisés les aspects juridiques liés à la conclusion de contrats de travail dans ce cadre.

Les mentions du CDD

Le décret autorisant la conclusion d’un CDD remplacements multiples n’est pas venu modifier les dispositions du Code du travail quant aux mentions obligatoires. Pour autant, le contrat de travail devra être adapté à ce type de situation. A notre avis, en plus des mentions listées à l’article L. 1242-12 du Code du travail, le CDD devra indiquer clairement, notamment :

  • les noms et les qualifications professionnelle des différentes personnes remplacées,
  • la durée prévue pour les différents remplacements lorsqu’ils se font sur des périodes différentes.

Par exemple, si l’employeur recrute un salarié en CDD pour effectuer le remplacement de trois éducateurs pendant leurs congés d’été, le contrat pourrait être rédigé comme suit :

« A compter du <date du 1er jour travaillé>, à <préciser> heures, Monsieur (ou Madame) <nom, prénom>, est embauché(e) sous contrat à durée déterminée pour le remplacement de plusieurs salariés, à savoir :

  • le remplacement de Marie absente pour congés payés, elle-même employée en qualité d’éducatrice spécialisée. Ce remplacement s’effectuera du 1er au 31 juillet ;
  • le remplacement de Nicolas absent pour congés payés, lui-même employé en qualité d’éducateur spécialisé. Ce remplacement s’effectuera du 1er au 31 août ;
  • le remplacement de Lucie absente pour congés payés, elle-même employée en qualité d’éducatrice spécialisée. Ce remplacement s’effectuera du 1er au 30 septembre. »

A noter. L’employeur devra tenir compte de l’ensemble des mentions obligatoires prévues par le Code du travail.


[1] Décret n° 2019-1388 du 18 décembre 2019.

[2] Article L. 1242-2, 1° du Code du travail.

[3] Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel n° 2018-771 du 5 septembre 2018, article 53, JO du 6 septembre 2018.