Lors de son discours du 19 avril 2020, le Premier ministre a d’ailleurs indiqué qu'il souhaitait tester rapidement et massivement les personnes présentant des symptômes ou ayant été en contact avec des malades du Covid-19 (notamment les salariés de notre secteur) à partir du 11 mai 2020. L'objectif du gouvernement étant d’atteindre, d’ici cette date, le nombre de 500 000 tests réalisés par semaine.

La réalisation de ces dépistages massifs soulève toutefois de nombreuses interrogations notamment pour les employeurs : quel type de test effectuer ? Qui peut réaliser ces tests ? Quels salariés doivent être testés ? Comment gérer leurs éventuels refus ?

Quels types de test ?

Aujourd’hui, il existe 2 grandes familles de tests[1] :

Les tests dit « RT-PCR » réalisés uniquement sur prescription médicale.

Pour confirmer ou infirmer la présence du virus, les personnes habilités à réaliser ce type d’examen, prélèvent des cellules nasales profondes à l’aide d’un écouvillon (une sorte de long coton-tige que l’on insère dans les cavités nasales).  Si une personne est infectée par le Covid-19 au moment du prélèvement, le test le révèle même en l'absence de symptômes. Il mesure aussi la charge virale au Covid-19 au moment du prélèvement. A la date du 16 avril 2020, la seule technique de diagnostic biologique du Covid-19 recommandée à ce jour par les autorités de santé est le test moléculaire par RT-PCR permettant la détection du génome du coronavirus SARS-CoV-2[2].

Aujourd’hui, seul ces tests sont pris en charge par l’Assurance maladie. Un test PCR réalisé en laboratoire de ville est facturé 54 € et remboursé à hauteur de 60 % par la Sécurité sociale. La somme restante est prise en charge par les organismes de complémentaire santé.

Les tests sérologiques

Il existe notamment des tests rapides unitaires (TRODs) détectant les anticorps en réponse à une infection par le virus SARS-CoV-2 à partir d'une simple goutte de sang en quelques minutes. Les tests sérologiques ne permettent pas de statuer sur la contagiosité de la personne.

Il est important de souligner qu’à l’heure actuelle, les instances scientifiques françaises n’ont pas validées de manière officielle ce type de dépistage, ils ne disposent pas du marquage CE obligatoire en Europe pour être commercialisés.

Lorsque des tests de dépistages sont réalisés en dehors de toute prescription médicale et/ou lorsqu’il s’agit de test non homologué, ils ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie.

Qui sont les professionnels habilités à réaliser les tests de dépistage au Covid-19 ?

Les tests RT-PCR ne peuvent être pratiqués que par deux types de professionnels de santé :

  • les infirmières ;

les biologistes.

A notre sens, quel que soit le type de test, ils doivent être réalisés par un personnel médical habilité. L’employeur ne pourra pas mettre à disposition de ses salariés des tests de dépistage rapides, par exemple, sans que cela soit organisé par un protocole établi avec les services de santé au travail ou des professionnels de santé habilités.

Le médecin du travail

L'ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020[3] aménage temporairement les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19. L’article 2 de l’ordonnance permet notamment au médecin du travail de procéder à des tests de dépistage du Covid-19, selon un protocole qui doit être défini par arrêté des ministres chargés de la Santé et du Travail (à paraître). Un décret doit déterminer les conditions d'application de cette mesure (à paraître).

A notre sens, cette possibilité est la plus sécurisée pour la mise en place de test de dépistage, car elle serait mise en œuvre dans le cadre d’un protocole établi avec le service de santé au travail. Cela permet d’inscrire ce processus de dépistage dans un cadre médical adapté aux conditions de travail connues par le médecin du travail.

A l’heure actuelle, en l’absence de publication des documents réglementaires susvisés pour la réalisation des tests par le médecin du travail, l’action de ce dernier reste très limitée en la matière.

Pour autant, le médecin du travail reste un acteur incontournable dans la mise en œuvre du suivi individuel de l’état de santé face au risque de contamination au Covid-19.  D’autant que le médecin du travail pourra prochainement prescrire ou renouveler des arrêts de travail[4]  aux personnes atteintes ou présentant des symptômes évoquant le Covid-19, ou encore risquant de contracter une forme grave de la maladie. Ainsi, dans le cas où un salarié serait positif au Covid-19 après dépistage, il devrait être orienté vers la médecine du travail : il appartiendrait alors au médecin du travail de définir les mesures à mettre en place pour ce salarié (prescription d’un arrêt de travail notamment).

L’employeur a-t-il l’obligation de faire tester l’ensemble de ses salariés ?

Le Haut conseil de santé publique dans un avis rendu 31 mars 2020 a recommandé que « dans l’état des connaissances et des ressources disponibles, de donner la priorité, en matière de réalisation des tests diagnostiques dits « RT-PCR », aux patients présentant des symptômes sévères de Covid-19 et aux personnels de structures médico-sociales présentant des symptômes évocateurs de ce virus, ainsi qu’à l’exploration des foyers de cas possibles au sein des structures d’hébergement collectif, en se limitant, dans cette dernière hypothèse, à trois tests par unité. »

Dans ce même avis, a été exclu des indications prioritaires l’exploration de cas possibles en Ehpad lorsque le diagnostic a déjà été porté chez trois résidents, et exclu des indications de diagnostic par RT-PCR les personnes présentant peu de symptômes du Covid-19 et les personnes ayant été au contact d’un cas de Covid-19 confirmé.

Le ministre des Solidarités et de la Santé a annoncé, le 6 avril 2020, qu’une campagne de dépistage systématique serait engagée en faveur du personnel et des résidents des Ehpad dans lesquels un cas de contamination au Covid-19 a été constaté.

Dans une ordonnance du 15 avril 2020 (rendu en référé), le Conseil d'État a rejeté une demande émanant de plusieurs organisations syndicales nationales et locales et demandant notamment « d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des Solidarités et de la Santé de prendre les mesures réglementaires propres à assurer le dépistage systématique et régulier des résidents, personnels et intervenants au sein de tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), y compris lorsqu'ils sont asymptomatiques, et prendre les mesures propres à affecter prioritairement à leur dépistage le matériel nécessaire ». Autrement dit, le juge a validé l’action du gouvernement qui consiste aujourd’hui à prioriser les personnes devant être dépistées.

L’employeur n’a donc pas l’obligation de tester l’ensemble de ses salariés. Cependant, il doit se référer notamment aux critères de priorisation fixés par les autorités de santé, mais aussi du contexte de son association et de la capacité d’analyse des tests au niveau de son territoire, pour établir sa politique interne de prévention de ses salariés face au risque de contamination au Covid-19.

La politique de dépistage des salariés sera intimement liée à celle des usagers et à la présence ou non de cas avérés ou évocateurs du Covid-19.

L’employeur doit également se rapprocher de l’ARS pour obtenir les informations nécessaires pour l’organisation des dépistages en fonction de critères épidémiologiques et des instructions pouvant déjà existées au niveau de chaque territoire.

Le salarié peut-il refuser de communiquer le résultat de son test à son employeur ?

Les résultats du test de dépistage relevant du secret médical, le salarié n’a pas, par conséquent, l’obligation de fournir le résultat à son employeur et ne pourrait pas être sanctionné pour son éventuel refus.

A notre sens, en amont de la campagne de dépistage, l’employeur doit dialoguer et faire preuve de pédagogie pour expliquer aux salariés que les objectifs poursuivis en réalisant ces tests visent à assurer la protection de l’ensemble du personnel et des usagers.

Comment réagir face au résultat du salarié à la suite du dépistage au Covid-19 ?

Dans un premier temps, il est important de rappeler qu’un salarié ne peut pas faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en raison de son état de santé, et ce conformément à l’article L. 1132-1 du code du travail.

Si le salarié est positif au Covid-19

Dans un premier temps, nous vous conseillons d’interrompre tout contact avec les autres professionnels et les usagers.

Ensuite, l’employeur devra le rediriger vers la médecine du travail et son médecin traitant ou afin que ces professionnels de santé évaluent notamment ses symptômes et prennent les mesures nécessaires (prescription d’un arrêt de travail notamment).

Si le salarié est négatif au Covid-19

Le fait que le salarié soit négatif au Covid-19 ou qu’il présente une immunité face à ce virus ne dispense pas l’employeur de continuer à mettre en œuvre l’ensemble des actions de prévention.

Nous vous rappelons qu’à l’heure actuelle très peu de tests ont été homologués par le gouvernement français : c’est la raison pour laquelle l’employeur doit rester prudent quant à l’utilisation de ces tests et à leur fiabilité.

Aujourd’hui, aucune étude scientifique ne semble établir, de manière certaine, la durée de l’immunité d’une personne ayant déjà été contaminée le Covid-19 : l’ensemble des EPI, mesures de distanciation et des gestes barrières devront donc continuer à être appliqués de manière très rigoureuse.

Quelles sont les finalités de ces campagnes de dépistage pour l’employeur ?

Pour l’employeur, le dépistage de ses salariés doit être perçu comme un outil de prévention supplémentaire au risque de contamination au Covid-19. Les résultats lui permettront d’adapter, au cas par cas, les mesures de prévention pour ses salariés.

Au-delà des campagnes de dépistage qui seront menées, l’employeur doit continuer ses efforts pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs, en rappelant régulièrement les règles de distanciation et les gestes barrières. L’employeur doit également former ses salariés à ces nouveaux protocoles de protection.


[1] FAQ à destination des industriels accès au marché et au remboursement des tests diagnostiques Covid-19.

[2] Pour les tests par RT-PCR, il existe une liste, disponible sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé qui répertorie l’ensemble des tests répondant aux normes européennes. / Cahier des charges définissant les modalités d’évaluation des performances des tests sérologiques détectant les anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 du 17 avril 2020 de la Haute Autorité de santé.

[3] JO du 2 avril 2020.

[4] Un décret en Conseil d’État devant préciser la dérogation provisoire qui va être mise en place dans ce cadre, devrait paraitre prochainement.