Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-24701

En l’espèce, la caissière d’un magasin de produits alimentaires, comptant près de 33 ans d’ancienneté, avait été licenciée pour faute grave. Aux termes de la lettre de licenciement, il lui était reproché d’avoir récupéré, sans les payer, des denrées alimentaires pour un montant total d’une centaine d’euros.

L’employeur avait, parallèlement à cette procédure de licenciement disciplinaire, déposé plainte auprès des services de gendarmerie pour ces mêmes faits.

Alors que la juridiction pénale avait relaxé des faits de vol la salariée au motif que les produits récupérés étaient périmés et voués à la destruction, la cour d’appel de Dijon a néanmoins considéré que le licenciement reposait bien sur une faute grave.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel au motif que la décision du juge répressif s’imposait dans la mesure où les produits que la salariée s’était appropriée, et pour lesquels le vol n’avait pas été retenu, étaient identiques à ceux visés par la lettre de licenciement.

La Haute juridiction réaffirme donc ici le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal. La Cour de cassation avait en effet déjà eu l’occasion de se prononcer dans le même sens[1].

L’employeur est parfois tenté d’engager une procédure pénale sur les faits ayant motivé le licenciement, pensant que celle-ci donnera plus de poids à son dossier devant le juge prud’homal. Au regard de cette jurisprudence constante, l’employeur doit toutefois bien garder en tête qu’une telle initiative est à double tranchant. Il ne doit s’engager dans cette voie que si cela est strictement nécessaire au regard de la gravité des faits reprochés et / ou si son dossier est solide (en termes de preuves notamment).

L’issue d’une procédure pénale ne s’impose en outre que s’il a été statué sur les faits litigieux. Le juge prud’homal n’est ainsi pas lié par une décision de classement sans suite d'une plainte[2] ou par une ordonnance de non-lieu[3].

Le juge pénal peut, en outre, tout en relevant la réalité des faits reprochés, considérer seulement que ceux-ci ne sont pas pénalement sanctionnables. N’ayant ainsi pas été remis en cause par le juge pénal, les faits litigieux pourront être examinés par le juge prud’homal pour apprécier le bienfondé du licenciement sans que ne puisse lui être opposé la décision de relaxe.

En définitive, lorsque le licenciement d’un salarié est envisagé en raison de faits faisant, ou étant susceptibles de faire, l’objet de poursuites pénales, il est donc recommandé à l’employeur, lors de la motivation de la lettre de licenciement, de ne pas s’en tenir à la seule qualification pénale des faits reprochés.

C’est d’ailleurs, dans l’arrêt commenté, ce que l’employeur avait manifestement tenté de faire, sans succès toutefois, en reprochant au salarié dans la lettre de licenciement, non pas expressément un vol de marchandise, mais le non-respect du règlement intérieur relatif à la sortie des marchandises du magasin.

Finalement, il est donc opportun, dans la mesure du possible, de viser dans la lettre de licenciement d’autres griefs, distincts des faits susceptibles de faire l’objet d’un contentieux pénal, sur lesquels le juge prud’homal pourra en tout état de cause être amené à se prononcer nonobstant une décision de relaxe.


[1] Notamment Cass. soc. 12 oct. 2016, n° 15-19.620.

[2] Cass. soc., 20 nov. 2001, n° 99-45.756 .

[3] Cass. soc., 15 mars 2012, n° 10-23.170.