Par Lucie Appel, juriste en droit social

Plusieurs délais de prescription tendent à s’appliquer lorsque l’employeur use de son pouvoir disciplinaire.

Parmi ces délais de prescription, existe celui relatif à la prescription des faits fautifs : l’article L. 1332-4 du Code du travail énonce, en effet, qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Un autre délai de prescription limite l’employeur dans son pouvoir de direction : le délai de prescription des sanctions.

Quelles sont les dispositions relatives au délai de prescription des sanctions ?

L’article L. 1332-5 du Code du travail, d’ordre public, prévoit un délai de prescription des sanctions disciplinaires de trois ans. Ce délai signifie qu’aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement de nouvelles poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.

Les conventions collectives du secteur comportent également des dispositions sur ce délai de prescription : la CCN 66[1], les accords collectifs CHRS[2], ainsi que la CCN 51[3], qui prévoient pour chacun que « toute sanction encourue par un salarié non suivie d’une autre dans un délai maximal de deux ans sera annulée et il n’en sera conservé aucune trace ».

Ces dispositions ont un grand intérêt dans la mesure où les dispositions conventionnelles prévoient qu’un licenciement disciplinaire (hors faute grave) ne peut être valablement prononcé que si - et seulement si - le salarié s’est déjà vu adresser au moins deux sanctions disciplinaires (une seule sanction pour la CCN 51) au préalable. Pour cela, les sanctions prises au préalable ne doivent pas être prescrites au moment du licenciement.

Lorsque l’employeur engage une procédure disciplinaire, il doit être vigilant quant à l’application des dispositions légales et conventionnelles.

En effet, il ne faut pas considérer que les dispositions conventionnelles remplacent les dispositions du Code du travail en vertu du principe de faveur. En cas de procédure disciplinaire, l’employeur doit, à l’inverse, appliquer à la fois l’article L. 1332-5 du code du travail et les dispositions conventionnelles.

Comment appliquer les dispositions légales et conventionnelles relatives au délai de prescription des sanctions ?

A la lecture des dispositions légales, il convient de comprendre qu’il n’est pas possible de sanctionner un salarié à l’appui d’une sanction qui aurait été prise il y a plus de trois ans.

Et au vu des dispositions conventionnelles, il faut considérer que toute sanction est prescrite après deux ans, si aucune autre sanction ne s’en est suivie dans ce délai.

Dès lors, il faut comprendre ces dispositions légales et conventionnelles comme suit :

  • une sanction qui n’aurait pas été suivie d’une autre dans un délai de deux ans sera conventionnellement annulée, c’est-à-dire qu’elle est retirée du dossier du salarié et elle ne pourra pas être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction ;
  • une sanction qui aurait été suivie d’une autre sanction dans un délai de deux ans sera légalement annulée dans tous les cas, passé un délai de trois ans.

En outre, il ne peut y avoir de mesure de licenciement à l’égard d’un salarié si ce dernier n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins une ou deux sanctions (selon la convention collective applicable dans l’association).

Autrement dit, ces sanctions ne doivent pas être légalement et conventionnellement prescrites à la date du licenciement, sinon la sanction est annulée et aucune trace n’en sera conservée.

Selon les dispositions légales et conventionnelles (CCN66 et accords CHRS), cela signifie alors que sauf faute grave, un licenciement doit intervenir dans les trois ans de la première sanction (en supposant bien entendu que cette première sanction ait bien été suivie d’une seconde sanction dans un délai de deux ans). A défaut, cette première sanction ne pourra être invoquée à l’appui d’un licenciement.

A noter. Pour les associations appliquant la CCN 51, l’employeur n’a pas à se préoccuper du délai de prescription légal de trois ans, étant donné qu’une seule sanction préalable est nécessaire pour fonder un licenciement (hors faute grave)[4]. Si cette unique sanction est prescrite dans un délai de deux ans, le licenciement qui s’en suit doit donc forcément se situer dans ce délai.

Illustration concernant un licenciement disciplinaire pour cause réelle et sérieuse pour un employeur appliquant la CCN 66

Exemple n° 1

Un salarié a été sanctionné :

  • une première fois en janvier 2015 ;
  • une seconde fois en décembre 2016 (soit moins de deux ans après) ;
  • et, est licencié en novembre 2018 (soit plus de trois ans après la première sanction).

Le licenciement ne sera pas fondé car, depuis janvier 2018, la première sanction est prescrite.

A compter de janvier 2018, la trace de la sanction de janvier 2015 dans le dossier du salarié a obligatoirement dû être effacée.

Exemple n° 2

Un salarié a été sanctionné :

  • une première fois en janvier 2016 ;
  • une seconde fois en décembre 2016 (soit moins de deux ans après) ;
  • et, est licencié en novembre 2018 (soit moins de trois ans après la première sanction).

A l’inverse du premier exemple, aucune sanction ne sera prescrite en l’espèce étant donné que la première sanction a été suivie d’une autre. Le licenciement sera fondé.

La trace de la première sanction dans le dossier sera conservée jusqu’en janvier 2019.


[1] Article 33 de la convention collective du 15 mars 1966.

[2] Article 3.6 des accords collectifs CHRS.

[3] Article 05.03.2 de la Convention collective du 31 octobre 1951.

[4] Cass, soc., 4 décembre 2013, n° 12-23.930.