Cass. soc., 15 mai 2019, n° 18-19862

De jurisprudence constante, il est admis que le représentant de l’employeur n’ait pas la qualité d’électeur et, par conséquent, ne puisse pas se présenter aux élections professionnelles organisées pour mettre en place les instances représentatives du personnel[1].

L’affaire en question était propre à notre secteur d’activité puisqu’elle concernait la directrice d’un institut médico-éducatif (IME).

Détenir une délégation écrite particulière d’autorité permettant d’être assimilé à l’employeur

La seule existence d’une délégation écrite d’autorité ne suffit pas à écarter un salarié de l’électorat. En effet, les pouvoirs délégués doivent réellement permettre d’assimiler le salarié concerné à l’employeur[2].

De même la délégation ne doit pas être temporaire (par exemple, pour représenter l’employeur à une seule réunion des délégués du personnel[3]).

En l’espèce, la salariée détenait bien une délégation de pouvoirs mais, en pratique, elle « devait toujours agir sous l’autorité de la direction générale », ne pouvant pas seule, par exemple, signer les CDI et exercer le pouvoir disciplinaire elle-même (pour des sanctions supérieures à l’avertissement).

Finalement, dès lors qu’un cadre de direction a le pouvoir d’embaucher, de licencier et de sanctionner les salariés, il ne peut pas être électeur et, par conséquent, éligible[4].

Représenter l’employeur devant les institutions représentatives du personnel

En l’espèce, la délégation prévoyait que la directrice « participe aux réunions de comité d'entreprise (CE) ou de délégués du personnel avec la directrice générale dans la mesure où les questions à l'ordre du jour concernent son établissement ou service ».

Si la salariée assistait aux réunions du CE aux côtés du directeur général pour répondre aux questions des élus, la Cour de cassation retient qu’elle « avait uniquement pour mission d’assister la directrice générale à ces réunions où les questions à l’ordre du jour concernaient l’IME ».

Dès lors, elle ne représentait pas l’employeur devant les instances représentatives du personnel.

Dans une autre affaire, les juges avaient déjà considéré que le fait pour un directeur d’association de répondre aux questions des délégués du personnel, alors qu’il ne présidait plus les instances représentatives depuis plus d’un an et n’avait pas de délégation particulière d’autorité, ne permettait pas de l’exclure de l’électorat[5].

En définitive, sur cet aspect-là, le rôle que tient le représentant de l’employeur à ces réunions sera déterminant (simple observateur ou véritable animateur ?).

Mise en perspective avec la généralisation du CSE

Aujourd’hui, l’enjeu risque d’être d’autant plus important que le comité social et économique (CSE) devient, à compter du 1er janvier 2020, la seule instance représentative du personnel (en remplacement des anciennes instances, les DP, le CE, le CHSCT et la DUP).

La tendance des employeurs du secteur social et médico-social à but non lucratif semble être la mise en place d’un CSE unique au sein de l’association. De ce fait, la représentation des salariés sera, en effet, assurée à un niveau centralisé.

Cette distanciation pourrait conduire à ce que la détermination de l’électorat et de l’éligibilité des directeurs d’établissements soit plus complexe, s’ils ne font qu’assister la direction générale et n’ont pas de réels pouvoirs autonomes de gestion du personnel.

Il conviendra donc d’accorder une vigilance à la rédaction des délégations de pouvoirs, afin que les critères rappelés par l’arrêt présenté soit aisément identifiables.


[1] Rappel. Il faut notamment avoir la qualité d’électeur pour pouvoir être éligible (article L. 2314-19 du Code du travail) ; Cass. soc., 10 mars 2016, n° 15-17954.

[2] Cass. soc., 6 févr. 2002, n° 00-60488 ; Cass. soc., 29 juin 2005, n° 04-60093.

[3] Cass. soc., 17 mars 1998, n° 96-60324.

[4] Cass. soc., 6 oct. 1999, n° 98-60375.

[5] Cass. soc., 8 déc. 2010, n° 10-60045.