Nous avons pu établir dans les épisodes précédents de notre série que les actions en SQVT sont destinées à améliorer, en tenant compte du contexte propre à chaque association, toutes les composantes de l’activité de travail, tant organisationnelles que matérielles ou encore relationnelles.

Cette finalité repose sur un pilier fondamental : le facteur humain. Par son activité de travail dans le cadre d’une organisation découlant d’un projet stratégique (projet associatif), ce facteur mobilise et coordonne toutes les autres ressources à sa disposition dans l’entreprise. Il s’agit pour les collaborateurs de délivrer, au bénéfice final des personnes accompagnées, les services conformes aux objectifs qui lui sont prescrits en termes de délais, coûts, quantité et qualité et qui s’inscrivent dans les projets de service et d’établissement.

C’est par leur engagement et leur implication que les collaborateurs contribuent à l‘atteinte de cette performance. Toutefois, « la performance ne repose pas seulement sur la volonté des professionnels de bien remplir leur mission, mais sur la capacité des organisations à favoriser les choix collectifs sur les priorités et à réunir les conditions pour permettre une bonne qualité du travail »[1].

Pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une démarche pertinente d’amélioration de la SQVT, il est primordial de clarifier notamment les notions de motivation, d’implication et d’engagement dans l’activité de travail.

Management, engagement et performance

« La mise en place [d’une politique stratégique] induit de veiller à ce que le système managérial confie la capacité d’agir aux managers et leur permette d’assurer les rôles et responsabilités qui leur incombent. »

Le schéma ci-dessous présente l’articulation entre management, engagement via la SQVT et performance de l’association :

Si on considère que la finalité du management est la performance de l’association au bénéfice de la qualité de l’accompagnement, alors manager des collaborateurs consiste à les conduire à s'investir efficacement dans leur travail et à se développer professionnellement, c'est-à-dire créer les conditions à cet effet, en accordant autant de liberté que possible et autant de rigueur que nécessaire.

Agir pour l’engagement des collaborateurs, un véritable enjeu de gestion

La démarche d’amélioration de la SQVT, qui se concentre sur les composantes de l’activité de travail tant organisationnelles que matérielles ou encore relationnelles, agit sur ces composantes et apporte des réponses aux différents niveaux d’enjeux de gestion de votre structure :

Ce schéma démontre que :

  • il ne peut y avoir de réelle et durable qualité de service sans le résultat du travail des individus et du collectif auxquels ils appartiennent ;
  • la qualité du service rendu au public accueilli est une finalité commune à toutes les parties prenantes de l’association.

Agir en tant qu’employeur pour préserver l’engagement de ses salariés est donc essentiel.

Les notions d’activité de travail, motivation, engagement et implication

Ce qu’on entend par « activité de travail »

L’activité de travail qui fera l’objet des actions de la démarche d’amélioration de la SQVT recouvre trois aspects indissociables[2] :

  • le travail prescrit est ce qui est demandé, « à faire » ;
  • l’activité réalisée est ce qui est réellement fait, au regard des ressources mobilisables (l’organisation, le matériel, le relationnel, la compétence…) ;
  • le réel de l’activité est ce qui ne se fait pas, le « travail empêché ».

Pour obtenir de meilleurs résultats grâce à la mise en œuvre d’actions d’amélioration de la SQVT, ces trois dimensions de l’activité de travail doivent avoir été prises en compte dans la conception de ces actions.

Focus sur le réel de l’activité : le collaborateur en situation de « travail empêché »

Si dans ce que perçoit et vit le collaborateur à travers l’activité de travail, le réel de l’activité (travail empêché) devient trop prégnant. Les conditions seront alors réunies pour que s’enclenche le processus de désengagement du collaborateur.

Motivation : avoir un motif d’action

« Être motivé, c’est avoir un objectif, décider de faire un effort pour l’atteindre et persévérer dans cet effort jusqu’à ce que le but soit atteint. »[3]

Comment caractériser la motivation ?

  • La force, se traduisant par l’intensité des efforts fournis, l’énergie dépensée pour atteindre le but ;
  • La direction des conduites, consistant en l’orientation donnée aux comportements afin de répondre à l’objectif poursuivi ;
  • La persistance des conduites, se manifestant par la régularité ou la constance dans l’effort fourni pour atteindre le résultat espéré.

Une réalité humaine fondamentale : on ne peut forcer quelqu’un à être motivé, à être heureux, à s’engager dans le travail.

De ce fait, pour que les collaborateurs puissent s’engager pleinement dans l’activité de travail, il convient plutôt de mettre en place un environnement qui leur permettra de trouver des sources de motivation et de donner du sens à leur travail, et ce, en phase avec le sens posé par l’employeur à travers les projets associatif, d’établissement et de service.

Nous verrons un peu plus loin pourquoi c’est la bonne régulation des composantes de l’activité de travail qui constitue le terreau favorable (environnement capacitant) à l’engagement des collaborateurs.

Engagement et implication

La motivation du collaborateur servira de moteur à son engagement et induira son implication dans le travail.

Ainsi, si les composantes de l’activité de travail (incluant les conditions d’emploi) permettent une perception de qualité de vie au travail (incluant la qualité du travail) générant chez le collaborateur de la motivation, base pour un attachement et une identification à ce que porte et réalise l’association (engagement), alors l’implication sera optimale.

En revanche, si seule la loyauté liée au professionnalisme des collaborateurs est le moteur de l’engagement, alors l’implication sera « mitigée », surtout sur la durée.

Enfin, si le collaborateur n’est engagé que pour des raisons « alimentaires », son implication sera au plus bas, et on pourra même parler de désengagement, voire de comportements contre-productifs au détriment du collectif et des usagers.

Voici la schématisation de cette relation (corrélation) entre les trois dimensions de l’engagement et les deux types d’implication des collaborateurs[4] :

Focus sur l’engagement de continuation : l’engagement « alimentaire »

L’engagement de continuation est lié aux coûts que pourraient engendrer la rupture du contrat de travail, c’est-à-dire que le collaborateur restera pour des raisons dites « alimentaires », visant à ne pas porter atteinte à ses conditions d’emploi, notamment en termes de stabilité sociale, de rémunération et d’avantages.

Cette matrice montre clairement que l’implication du collaborateur et sa durabilité, tant attendues par les managers, dépend directement de la nature de son engagement (soutenue par la motivation).

Les composantes de l’activité de travail qui font l’engagement

14 composantes de l’activité de travail qui président à l’engagement des collaborateurs[5] :

  • la prise en considération en termes de sentiment d’être considéré comme un professionnel responsable capable de faire un travail de qualité (écoute objective des demandes, des besoins, des avis et idées liés au travail ; reconnaissance par la hiérarchie et la direction),
  • la stratégie et le fonctionnement de la structure en termes de cohérence de la stratégie et d’efficacité de fonctionnement (définition des objectifs, prise de décision, vue à long terme, adaptabilité…),
  • l’ouverture sociale en termes de politique RH prenant en compte des aspects sociaux et humains dans la gestion RH (parcours professionnel, formation, rémunération, intégration, dialogue social, équilibre vie privée / professionnelle, égalité professionnelle…),
  • les conditions matérielles de travail en termes de sécurité, de confort matériel, d’équipements de travail,
  • les relations avec les collègues en termes de qualité des relations, d’ambiance de travail,
  • l’équité en termes de sentiment d’impartialité, objectivité et justice dans les systèmes d’évaluation pour la rémunération, la promotion et les avantages,
  • l’autonomie en termes d’organisation du travail, prise de décisions et responsabilité,
  • Le résultat de l’implication en termes de sentiment d’un rôle utile dans les résultats de l’entreprise, de qualité du travail, d’épanouissement professionnel,
  • L’esprit d’équipe en termes de soutien social, coopération encouragée par la hiérarchie,
  • la liberté d’expression et le soutien hiérarchique en termes de possibilité d’expression positive ou négative auprès du N+1 et de la direction ; relation de soutien,
  • l’information en termes de disponibilité, qualité et fluidité,
  • les initiatives personnelles en termes d’encouragement aux idées novatrices et/ou à l’action face aux imprévus,
  • le style de management en termes de souplesse de la supervision,
  • les tâches et rôles en termes de clarté.

Sur la base de leur vécu au quotidien des composantes de l’activité de travail, les collaborateurs perçoivent le fonctionnement de leur équipe, leur service, leur établissement, leur association, le résultat du travail tant individuel que collectif.

Il en résulte de la satisfaction ou de l'insatisfaction, de la confiance ou de la méfiance, voire parfois de la défiance…

Ce résultat sert de référence à chaque collaborateur pour adapter ses comportements, aboutissant à l'engagement ou au désengagement.

Matrice présentant les liens de corrélation entre les 14 composantes de l’activité de travail

Ce schéma démontre que l’élément central de l’activité de travail qui fait l’engagement, et par là-même la SQVT, est le sentiment par le collaborateur de « prise en considération » c’est-à-dire qu’il se sent considéré comme un professionnel responsable capable de faire un travail de qualité.

On constate par ailleurs que 8 des 13 composantes sont en lien direct (1er cercle) avec la prise en considération (ce qui en fait l’élément central), et que les 5 autres sont en lien indirect (2e cercle) via l’une ou l’autre des 8 composantes du 1er cercle.

En raison de la nature subjective du sentiment de prise en considération, il n’est pas possible pour l’employeur d’agir directement dessus. En revanche, il peut agir très concrètement sur les 13 autres composantes plus objectives, et ainsi influencer in fine la prise en considération.

Cela implique que l’employeur aura mis en place et régulé au mieux possible, en fonction de la réalité des contraintes et enjeux de son propre contexte associatif, les 13 autres composantes qui sont en fait les ressources que peut mobiliser le collaborateur dans le cadre de son activité de travail.

Tout cela corrobore le propos précédent, relatif à la motivation, posant que pour s’engager pleinement dans l’activité de travail, les collaborateurs (y compris les managers) ont besoin que soit mis en place un environnement capacitant qui leur permettra de trouver des sources de motivation et donner du sens à leur travail, permettant une qualité du travail, et ce, en phase avec le sens posé par l’employeur au travers des projets associatif, d’établissement et de service.

Ce qu’il faut retenir…

Ainsi, toute démarche de SQVT se concentrera prioritairement sur l’activité de travail, et non sur l’individu lui-même, et les actions du plan d’actions d’amélioration de la SQVT qui en découlera devront viser de façon très pragmatique les composantes de cette activité de travail.

Agir pour une bonne régulation des composantes de l’activité de travail impactera mécaniquement la perception de la qualité de vie au travail par chaque collaborateur, et influera sur sa motivation et son engagement.

Outil de pré-diagnostic des composantes de l’activité de travail

Cet outil vous permet de poser un premier regard sur les composantes de l’activité de travail.

Il peut être complété au niveau d’un service, d’un établissement ou de l‘association, par les acteurs du management intermédiaire, et ce, soit en concertation avec les collaborateurs ou encore les représentants du personnel, soit chacun à son niveau pour une mise en commun (regard croisé).


A suivre le 6 décembre, le cinquième épisode de la série sur les éléments pragmatiques de méthodes vous permettant d’enclencher une démarche concrète de SQVT.

[1] « Questions sur … la qualité de vie au travail », HAS et Anact, 2015.

[2] Clinique de l’activité, Yves Clot, 1997.

[3] Claude Levy-Leboyer, La motivation au travail, Paris, Editions d’Organisation, 1998.

[4] Beintein et al., 2000.

[5] Etude pour une Diagnostic de Climat d’Entreprise, ECPA, 1984 ; les conclusions de cette étude sont corroborées par celle de Decy & Ryan, 2011.