Par Marie Mailly, juriste en droit social

Un trouble objectif caractérisé qui peut engendrer la rupture du contrat

Bien que l’employeur n'ait pas le droit de s’immiscer dans la vie privée de ses salariés, il peut néanmoins agir si des dérives créent un trouble objectif caractérisé au sein de l’association.

Rappel. Le principe posé par les juges est l’interdiction du licenciement pour faute en raison d'un fait relevant de la vie personnelle du salarié[1] (problème d’affichage du n° de la note). En effet, pour la Cour de cassation, un fait imputé au salarié ne peut constituer une faute s'il relève de la vie personnelle de l'intéressé.

Cependant, il existe une exception à ce principe : il s’agit du manquement contractuel. La Cour de cassation considère en effet qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire, mais seulement s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail[2].

Exemple. A été considéré comme une faute grave le cas d’une salariée qui « entretenait avec une jeune fille accueillie au foyer des relations dépassant le cadre des rapports devant exister entre un éducateur et un pensionnaire, contrecarrant ainsi la mission éducative découlant de son contrat de travail et perturbant l'équilibre psychologique déjà fragile de l'adolescente, et d'autre part qu'elle avait délibérément mis en place une stratégie de contournement des consignes de l'employeur destinées à mettre fin à ces relations »[3].

Ainsi, au regard de la jurisprudence, si les éléments tirés de la vie privée du salarié ne peuvent pas, en principe, constituer une faute, ils peuvent l’être en raison des répercussions sur l'association et les personnes accueillies. Ce trouble objectif caractérisé peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il est ainsi conseillé aux employeurs du secteur de motiver un éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse (trouble objectif caractérisé). Il convient d’insister sur le projet d’établissement de l’association qui vise, par exemple, à accompagner des personnes vulnérables en participant à leur développement physique et affectif tout en préservant leur intégrité.

L’employeur peut rappeler que la mission de chaque salarié doit s’exercer dans ce cadre, ce qui suppose nécessairement de garder une juste distance avec les usagers.

Mettre à jour le règlement intérieur de l’association

Sur le sujet, Nexem recommande à ses adhérents d'insérer une clause dans le règlement intérieur de leur association, qui vise expressément le comportement du salarié dans le cadre de ses fonctions.

Extrait de cette clause

« Article 13 : Comportement général du salarié

Chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir être en collectivité.
Toute rixe, injure, insulte, comportement agressif, incivilité est interdit dans l'association, a fortiori lorsqu'ils sont pénalement sanctionnables. Il en est de même de tout comportement raciste, xénophobe, sexiste et/ou discriminant au sens des dispositions du Code du travail et du Code pénal.

Éventuellement (clause à adapter en fonction du public accueilli),

Compte tenu de la fragilité et de la vulnérabilité psychologique des personnes accueillies, tout salarié se doit de garder une juste distance avec les usagers. Tout salarié entretenant une relation avec un usager dépassant le cadre professionnel doit en informer immédiatement la Direction. Dans le cas où cette relation est susceptible de perturber la prise en charge de l’usager, la Direction sera amenée à prendre des mesures conservatoires, voire une sanction disciplinaire à l’encontre du salarié. »

Pour aller plus loin. Retrouverez notre modèle de règlement intérieur, ainsi que cette clause dans notre base documentaire.


[1] Cass. soc., 26 sept. 2001, n° 99-43.636 ; Cass. soc., 19 déc. 2007, n° 06-41.731 ; Cass. soc., 29 janv. 2008, n° 05-43.745 ; Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256

[2] Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464

[3] Cass. Soc., 20 mars 2013, 11-26593