Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 18-16718

En l’espèce, à la suite de plusieurs arrêts de travail consécutifs à une blessure à l’épaule imputable à sa directrice (dans l’emportement, la pointe du stylo de la directrice a atteint l’épaule de la salariée) sur son lieu de travail, une médiatrice socio-culturelle est déclarée inapte par le médecin du travail au terme de deux visites médicales passées les 16 novembre et 3 décembre 2012.

Le 21 décembre 2012, elle est licenciée pour inaptitude non professionnelle, avec impossibilité de reclassement. L’avis d’inaptitude mentionne toutefois que « l’inaptitude à son poste de travail de Mme A. doit être considérée comme directement et exclusivement imputable à son employeur, responsable du comportement de sa directrice. »

La salariée introduit alors une demande de prise en charge par la CPAM de la blessure à l’épaule dont elle souffre, afin qu’elle soit prise en charge au titre d’un accident du travail. Le 7 janvier 2013, la CPAM ne donne pas une suite favorable à sa demande.

Saisie de l’affaire, la cour d’appel rejette les demandes de paiement d’une indemnité spéciale de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis versées en cas de licenciement pour accident du travail, au motif que les juges n’ont pas à « se substituer dans l’appréciation de la juridiction pouvant être saisie du recours de la salariée contre la décision de la CPAM ».

Sur le fondement de l’article L. 1226-14 du Code du travail[1], la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel. Elle estime qu’« en statuant ainsi, par référence à la seule décision de la CPAM, sans apprécier elle-même l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Autrement dit, le versement des indemnités spécifiques de rupture dues en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle n’est pas subordonné à la reconnaissance par la CPAM d’un lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude. Il appartient aux juges d’apprécier le lien entre l’accident et l’inaptitude de la salariée.

Notre conseil. Dans la mesure où le formulaire utilisé par le médecin du travail ne mentionne plus l’éventuel caractère professionnel de l’inaptitude prononcée, nous vous conseillons de solliciter le médecin du travail après la déclaration d’inaptitude pour qu’il vous transmette son avis sur la question. A défaut de réponse, l’employeur devra alors faire sa propre appréciation de la situation par les différents faisceaux d’indices qu’il aura pu collecter, notamment au regard du ou des derniers arrêts de travail constatés, et en tirer les conséquences qui s’imposent.

Dans la situation de la salariée ayant été blessée à l’épaule par sa supérieure hiérarchique, avant même de porter l’affaire en justice, on aurait pu en déduire le caractère professionnel des arrêts de travail antérieurs à la déclaration d’inaptitude, notamment au vu de la rédaction de l’avis d’inaptitude.


[1] L’article L. 1226-14 du Code du travail dispose notamment qu’en cas de licenciement consécutif à une inaptitude liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur doit verser au salarié, une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale de licenciement et une indemnité compensatrice d’un montant correspondant à la durée du préavis légal auquel il pourrait prétendre.