Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28767

En l’espèce, une salariée, victime d'un accident du travail, avait été déclarée inapte à son poste de travail par la médecine du travail à la suite de deux examens médicaux. Seulement neuf jours après le second examen médical, la salariée avait signé une rupture conventionnelle individuelle avec son employeur. C’est dans ces circonstances que la salariée avait ensuite saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la nullité de cette rupture conventionnelle. La salariée soutenait, à cet effet, que la rupture conventionnelle avait été conclue en méconnaissance des obligations spécifiques d'ordre public mises à la charge de l'employeur par le Code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d'un accident du travail.

Aux termes de son arrêt, la Cour de cassation estime que la cour d’appel a retenu à bon droit que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle individuelle peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d'un accident du travail.

Cette solution prétorienne est particulièrement remarquable. Un tel positionnement de la Cour de cassation n’allait en effet pas de soi.

Bien que la Cour de cassation ait déjà admis la validité d’une rupture conventionnelle avec un salarié arrêté en raison d’un accident du travail[1] ou avec une salariée en congé maternité[2], la prudence invitait les employeurs à ne pas conclure de rupture conventionnelle avec un salarié reconnu inapte, dans la mesure où une telle rupture tenait en échec l'application des dispositions protectrices prévues par le Code du travail en matière d’inaptitude[3].

A l’appui de cette position prudente, il était notamment rappelé la solution anciennement dégagée par la Cour de cassation en matière de rupture amiable du contrat de travail (régime applicable avant la mise en place de la rupture conventionnelle). La Haute juridiction excluait alors toute possibilité de rupture amiable du contrat de travail avec un salarié reconnu inapte à son poste[4].

Il était également mis en avant la décision d’une cour d’appel ayant jugé qu’une rupture conventionnelle conclue avec un salarié reconnu inapte à la suite d’un accident du travail était nulle, dans la mesure où le salarié n'avait aucun intérêt à conclure une telle rupture « à bas coût pour l'entreprise, dès lors que la somme proposée était inférieure à l'indemnité de licenciement majorée », et qu’il s’agissait en conséquence d’une fraude[5].

L’arrêt du 9 mai 2019 de la Cour de cassation permet dorénavant de clarifier la jurisprudence en la matière.

Une rupture conventionnelle individuelle peut donc désormais être conclue avec un salarié reconnu inapte à la suite d’un accident du travail. Par extension, la rupture conventionnelle individuelle conclue avec un salarié reconnu inapte à la suite d’une maladie non professionnelle devrait en principe être également valable.

Il reste - la Cour de cassation ne manque pas de le rappeler dans sa décision - que le salarié peut toujours solliciter la nullité de la rupture conventionnelle en invoquant un vice de son consentement[6] ou une fraude de l’employeur, à condition bien entendu de pouvoir en apporter la preuve.

Dès lors, il est toujours plus prudent de pouvoir démontrer, par exemple, que le salarié a sollicité cette rupture par écrit et, de fait, est à l’initiative de celle-ci.

[1] Cass. soc. 30 sept. 2014, n° 13-16.297 et Cass. soc. 16 déc. 2015, n° 13-27.212.

[2] Cass. soc. 25 mars 2015, n° 14-10.149.

[3] Article L. 1226-10 du Code du travail.

[4] Cass. soc. 12 février 2002, n° 99-41.698.

[5] CA Poitiers, ch. soc., 28 mars 2012, n° 10/02441.

[6] Article 1140 à 1143 du Code civil