Dans cette affaire, un employeur d’une entreprise à établissements multiples invite, le 2 janvier 2018, les organisations syndicales représentatives à la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP) sur la base d’un CSE unique couvrant le périmètre de l’ensemble des établissements.

Le 22 janvier 2018, les syndicats refusent la signature du PAP, car ils réclament l’ouverture d’une négociation sur le nombre et le périmètre des établissements distincts en application de l’article L. 2313-2 du Code du travail. Le 7 avril 2018, ils saisissent le Direccte pour contraindre l’employeur à engager cette négociation. Cependant, malgré cette saisine, l’employeur a continué à dérouler le processus électoral, en organisant le premier tour et le second tour, respectivement, le 27 avril et 18 mai 2018 sur la base d’un CSE unique.

Le 29 mai 2018, après la proclamation des résultats, le Direccte rend sa décision et fait droit à la demande des syndicats formulée le 7 avril. En conséquence, il impose à l’employeur d’ouvrir des négociations sur le nombre et le périmètre de ses établissements distincts.

Chronologie des faits

Cet arrêt vient préciser pour la première fois, les dispositions des ordonnances Macron sur la mise en place du CSE. En effet, l’article L. 2313-2 du Code du travail dispose qu’un accord d'entreprise détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. Auparavant, ces dispositions étaient prévues dans le PAP. Afin d’éviter tout blocage lié à la négociation d’un accord d’entreprise, l’article L. 2313-4 du Code du travail permet à l’employeur de déterminer unilatéralement, en l’absence d’accord collectif, le nombre et le périmètre des établissements distincts.

Dès lors que l’employeur envisage la création d’un CSE unique pour l’ensemble des établissements, le passage par la phase de la négociation, est-il obligatoire ? En effet, le Code du travail précise que la négociation d’un accord avec les organisations syndicales a pour but de déterminer « le nombre et le périmètre des établissements distincts » pour la mise en place du CSE. Quelles sont les conséquences, lorsqu’un employeur décide seul, sans négociation préalable avec les organisations syndicales, de la mise en place d’un CSE unique ?

Les juges de la Cour de cassation, par cet arrêt mettent fin à un débat doctrinal sur l’interprétation de la formule « en l’absence d’accord ». En effet, les juges précisent qu’en application des dispositions des articles L. 2313-2 et L. 2313-4, l’employeur ne peut valablement fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts qu’à l’issue d’une tentative sincère et loyale de négociation d’un accord d’entreprise.

En l’espèce, l’employeur n’ayant tenté aucune ouverture de négociation loyale avec ses partenaires sociaux, la décision d’annulation de la décision unilatérale était justifiée, il devait donc ouvrir des négociations sur la mise en place du CSE.

En l’espèce, l’ensemble des élections professionnelles organisées par l’employeur ont été annulées par le tribunal d’instance.

Cette annulation a été contestée par l’employeur qui estimait que ses élections étaient valables, puisqu’aucune contestation n’avait eu lieu dans le délai de 15 jours[1] suivant cette élection. De ce fait, à son sens, son élection devait être purgée de tout vice[2].

La Cour de cassation justifie sa décision au motif que l’article L. 2313-5 dispose expressément qu’en cas de saisine de la Direccte, lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraine la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin ». Durant cette période, tous les délais de contestations sont également suspendus.

Ainsi, en l’espèce, l’employeur aurait dû suspendre les opérations électorales à compter de la saisine du Dirrecte par les syndicats le 7 avril 2018 et attendre la décision de la Direccte. Durant cette attente, les anciennes instances pouvaient fonctionner normalement du fait de la prorogation des mandats des élus en poste.

Enfin, la cour de cassation précise par cet arrêt que la décision unilatérale de l’employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts doit faire l’objet d’une information spécifique et préalable des syndicats[3]. En l’espèce, l’employeur avait profité de l’invitation à la négociation du PAP pour informer les syndicats de cette DUE. Si cette procédure n’est pas respectée, le délai de contestation de 15 jours accordés aux organisations syndicales représentatives ne court pas.

Cette décision de la Cour de cassation est riche en apports sur les nouveautés apportées par les ordonnances Macron. D’ailleurs, les juges ont pris en considération l’esprit général de ces ordonnances, qui donne une importance particulière à la négociation d’entreprise, qui doit être un préalable. D’autant que la négociation relative à la mise en place du CSE est importante car elle impacte le potentiel découpage du CSE, notamment dans les structures à établissements multiples.

En pratique, il est clair que, pour les associations multi-établissements, la mise en place du CSE doit obligatoirement faire l’objet de négociations, même dans l’hypothèse de la création d’un CSE unique. Ce n’est qu’en cas d’échec des négociations avec les délégués syndicaux que d’autres modalités peuvent s’envisager. Au regard des textes, avant de prendre une décision unilatérale, l’employeur doit mener une négociation avec les élus du personnel. Finalement, ce n’est qu’en cas d’échec de ces négociations que l’employeur fixe unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements.

Par ailleurs, nous vous conseillons en cas de décision unilatérale sur le nombre et le périmètre des établissements, d’informer les organisations syndicales représentatives par écrit afin de conférer une date certaine à cette information et de faire courir le délai de contestation de 15 jours. En parallèle, l’employeur doit réunir ces élus afin de les informer de sa décision.


[1] Article R. 2314-24 du Code du travail.

[2] Cass. soc., 4 juillet 2018 n° 17-21100).

[3] Article R. 2313-1 du Code du travail.