Cass. Soc., 17 avril 2019, n° 17-26724

Depuis le 1er janvier 2017, les listes de candidats doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale[1].

Ces règles s’appliquent aux listes de titulaires et de suppléants. Elles s’appliquent également aux deux tours de l’élection pour chaque collège. Elles sont d'ordre public absolu et ne peuvent pas être écartées par les partenaires sociaux.

Du point de vue de la présentation, les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes. La liste peut commencer librement par un homme ou une femme, et ce quelle que soit la proportion de chaque sexe.

Exception. Si l’application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou de l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut, ne serait pas représenté. Toutefois, ce candidat ne pourra être en première position sur la liste.

Un mode d’emploi à suivre au cas par cas

Si la philosophie de la législation est bien comprise, la mise en application s’avère ardue. En effet, en premier lieu, il faut signaler qu’il est rare de parvenir à une répartition des sièges en nombre entier. Autrement dit, le cas d’école où, par exemple, l’employeur aurait 50 % de femmes et 50 % d’hommes pour 4 sièges, se présente rarement. Si toutefois l’hypothèse se présente, 2 postes sont ainsi réservés pour chaque sexe.

Bien souvent, le calcul de la répartition des sièges entre les femmes et les hommes aboutit à trouver un nombre décimal plutôt qu’un nombre entier. Dans un tel cas, le code du travail nous invite à procéder de la sorte :

  • arrondir à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
  • arrondir à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.

Dans l’arrêt du 17 avril 2019, la proportion d’hommes dans un collège s’élevait à 63,87 % et celle de femmes à 36,13 %. Cinq sièges étaient à pourvoir aux élections des titulaires du CE. L’application des règles précitées conduit donc à réserver 3 sièges aux hommes (5 x 0,6387 = 3,19 arrondis à 3) et 2 sièges aux femmes (5 x 0,3613 = 1,80 arrondi à 2).

Dans cette affaire, les listes déposées sont composées comme suit :

  • la CFDT : 3 hommes et 2 femmes ;
  • Syndicat autonome : 3 hommes et 1 femme ;
  • FO : 3 femmes et 2 hommes.

La CFDT estime que les listes de ses concurrents ne respectent pas les règles légales et demande que celles-ci soient déclarées irrecevables dans leur intégralité.

Et en cas de non-respect, que se passe-t-il ?

Sur ce point, ni le tribunal d’instance, ni la Cour de cassation ne donnent gain de cause au syndicat.

En effet, l’article L. 2314-32 du Code du travail dispose que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect des règles de parité par une liste de candidats des règles peut entraîner :

  • l'annulation de l'élection d'élus du sexe surreprésenté. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats ;
  • l'annulation de l'élection des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions.

Ainsi, l’annulation n’est pas générale, elle peut simplement porter sur l’élection des élus du sexe surreprésenté, par exemple. Dès lors, la demande de la CFDT d’annuler la liste en totalité a été jugée irrecevable, toutefois, un autre argument a été soulevé dans le présent cas.

A noter. Si les listes déposées ne répondent pas à ces règles, d’après Nexem, l'employeur ne peut pas les refuser. En effet, ces nouvelles règles n'ont pas remis en cause le principe qui veut que l'employeur n’a pas à se faire juge de la validité des candidatures. S'il l'estime opportun, l'employeur peut toujours alerter les syndicats concernés d'un risque d'annulation de l'élection en cas de saisine du juge d'instance par une des parties intéressées.

Est-il toujours possible de déposer des listes incomplètes ?

A la suite d’un arrêt du 9 mai 2018[2], la Cour de cassation avait laissé planer le doute. Dans cette affaire, les juges avaient proscrit la méthode qui consistait à présenter des candidatures individuelles alors que deux sièges étaient à pourvoir. En effet, pour les juges, admettre cette pratique pouvait permettre d’échapper à la règle de mixité si chère au législateur. Pour la Cour de cassation, lorsque deux postes sont à pourvoir, la liste doit comporter nécessairement deux candidats de sexe différent.

La décision du 17 avril 2019 était attendue pour savoir si la Cour de cassation n’admettait plus aucune liste incomplète, quelle que soit l’hypothèse. Or, celle-ci nous rassure en acceptant que cela soit encore possible mais à la condition que plus de deux postes soient à pourvoir. Toutefois, elle pose comme condition que la liste incomplète reflète toujours la composition du collège électoral. En l’espèce, le syndicat Autonome avait déposé deux listes avec 4 candidats.

Afin de respecter la proportion du collège, la liste devait comporter :

  • 4 (nombre de candidats) x 63, 87 % (% d’hommes) = 2,55 arrondis à 3 hommes ;
  • 4 (nombre de candidats) x 36,13 % (% de femmes) = 1,45 arrondi à 1 femme.

Ainsi, la liste déposée par le syndicat Autonome est valable puisqu’elle comportait 3 hommes et 1 femme (au lieu de 3 hommes et 2 femmes). A l’inverse, la liste de FO a été jugée irrégulière car composée de 3 femmes (au lieu de 2).

En matière de parité, les ratures ont aussi leur importance

En matière d’élections professionnelles, les électeurs ont la possibilité de raturer des noms sur les listes de candidats[3]. Celles-ci peuvent avoir leur importance lors de la désignation des élus, mais aussi - et c’est nouveau - en cas de non-respect des règles de parité par une liste.

En effet, dans un deuxième arrêt du même jour[4], la Cour de cassation vient nous livrer les clefs des règles à appliquer par les juges lorsqu’un sexe est surreprésenté. L’annulation concerne le dernier élu du sexe surreprésenté et dans l'ordre d'élection après dépouillement du scrutin. Autrement dit, même si un salarié figurait en tête de liste, si celui-ci a été raturé et a été désigné après ses collègues, il est possible qu’il fasse les frais du non-respect des règles de parité en voyant son élection annulée. Ses collègues, eux, ne verront pas leur mandat remis en question.

Nos préconisations. Afin d’éviter un litige ultérieur, nous vous conseillons de prévoir dans le protocole préélectoral la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral et même de prévoir des exemples sur la façon dont peuvent être présentées les listes (en fonction du nombre de sièges et de la proportion de chaque sexe dans chaque collège).

Cette préconisation a pour but d’éviter à l’employeur d’avoir à organiser des élections partielles[5] juste après avoir procédé au renouvellement des élections totales. En effet, il y sera tenu en cas d’annulation de l’élection de certains élus ayant pour conséquence qu’un collège ne soit plus représenté ou que le nombre d’élus titulaires soit réduit de moitié ou plus.


[1] Article L. 2314-30 du Code du travail.

[2] Cass. Soc., 9 mai 2018, n° 17-14088.

[3] Article L. 2314-29 du Code du travail.

[4] Cass. Soc., 17 avril 2019, n° 18-60173.

[5] Cons. Const., 13 juil. 2018, n° 2018-720 QPC.