Les ambitions du PLFSS pour 2020

Cette année, les comptes de la Sécurité sociale seront marqués par un déficit important, alors qu’ils étaient présentés à l’équilibre l’an passé. En effet, un déficit de plus de 5 milliards d’euros (Md€) est envisagé, dont 3 Md€ pour la branche maladie. Le retour à l’équilibre n’est annoncé que pour 2023.

De plus, le gouvernement a opté pour une non-compensation par le budget de l’Etat de mesures prises dans le cadre de la crise des « gilets jaunes » pesant sur le budget de la Sécurité sociale (article 3). Toutefois, ce principe de non-compensation a été supprimé par la commission des affaires sociales.

Malgré la demande exprimée par 13 organisations, dont Nexem, d’affecter la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au financement dès 2020 du plan Grand âge et autonomie, aucun financement supplémentaire n’est prévu. Il faudra se contenter des crédits de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui, malgré son taux de progression, requiert la réalisation de nombreuses économies, en raison de l’évolution spontanée des dépenses liée à l’évolution de la démographie et au vieillissement (1,5 milliard) et aux dépenses nouvelles prises en charge (pacte de refondation des urgences, réforme du financement de l’hôpital…). Plus de 4 Md€ d’économies sont ainsi attendus. Les axes d’économies ont été détaillés par le gouvernement, plus transparent que l’an passé, notamment en termes de structuration de l‘offre de soins : structurer des parcours de soins efficients, améliorer la performance interne et optimiser les achats des établissements de santé et établissements et services médico-sociaux…

Les chiffres clés

Taux d’évolution des dépenses 2020 et comparaison avec les taux 2019

  2020 2019
Progression générale Ondam + 2.3% (205,3 Md €) + 2.5%
Ondam médico-social + 2.8% (21,6 Md € )

  • + 2.9% sur le secteur PA (9,9 Mds €)
  • + 2.6% sur le secteur PH (11,7 Mds €)
+ 2.2%


 

Ondam établissements de santé + 2.1% + 2.4%
Ondam ville + 2.4% + 2.5%
Fonds d’investissement régional (FIR) + 1% + 4.8%
Investissements 130 M€ 130 M€

Chiffres clés du secteur des personnes âgées

500 millions d’euros (M€) ont été annoncés pour amorcer la réforme Grand âge et autonomie, dont :

  • 210 M€ pour la poursuite de la convergence tarifaire des Ehpad : l’accélération est à l’œuvre, avec pour objectif, la fin de période de transition en 2021. 230 M€ seront prévus en 2021 ;
  • 50 M€ pour annuler les effets négatifs de la convergence ;
  • 15 M€ pour le déploiement des IDE de nuit en Ehpad ;
  • 130 M€ consacrés à l’investissement dans le secteur médico-social ;
  • 50 M€ pour le financement du secteur de l’aide à domicile ;
  • 45 M€ pour le versement de primes aux aides-soignantes ayant suivi des formations sur les spécificités des personnes âgées.

Chiffres clés sur le secteur du handicap

Globalement, le PLFSS présente moins de mesures spécifiques sur le champ du handicap. Hormis des dispositions limitant le reste à charge des personnes pour l’acquisition de fauteuils roulants ou encore des mesures financières relatives au passage à la retraite des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), on retiendra surtout un montant de 20 M€ affectés pour la limitation des départs d’adultes handicapés en Belgique et pour le conventionnement avec les établissements belges.

Les principaux éléments du PLFSS à retenir

Favoriser le pouvoir d’achat

La reconduction de la prime Macron (article 7)

Conformément aux annonces du gouvernement, la prime exceptionnelle prévue par la loi MUES[1] est reconduite afin de favoriser le partage de la valeur ajoutée entre salariés et employeurs.

La prime exonérée de cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle pourra a priori être versée à ces conditions :

  • aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 Smic ;
  • à une date comprise entre la date d’entrée en vigueur de la LFSS 2020 et le 30 juin 2020 ;
  • à un montant ne pouvant dépasser 1000 €.

A noter. Initialement, l’attribution de cette prime était conditionnée à l’existence d’un accord d’intéressement – accord très rare dans le secteur social et médico-social, bien que sa mise en place soit possible. Un amendement adopté par la commission des affaires sociales a supprimé cette condition : pour les associations, la condition relative à la mise en place de l’accord d’intéressement ne devrait pas s’appliquer, rendant a priori possible le versement de la prime dans les ESSMS.

L’expérimentation relatives au versement des aides financières pour l’emploi à domicile d’aide à la personne (article 12)

Afin de simplifier les aides financières relatives à l’emploi d’aide à domicile, il est prévu d’expérimenter dans quelques départements « un compte individuel » permettant de centraliser les diverses aides financières (crédit d’impôt, APA, PCH…) et de les verser en temps réel, pour éviter les avances de trésorerie.

Si l’expérimentation est probante, elle sera pérennisée et pourra être étendue à d’autres aides financières ou d’autres populations que les personnes en perte d’autonomie.

Poursuivre la transformation du système de santé

Le PLFSS s’inscrit dans la stratégie de transformation du système de santé et permet la concrétisation d’engagements pris dans le cadre de « Ma Santé 2022 ».

Réformer le financement des établissements de santé

Plusieurs dispositions s’attachent à réformer le financement, avec pour objectif de développer la qualité et la pertinence des soins.

La réforme du financement des hôpitaux de proximité (article 24)

La réforme du financement des hôpitaux de proximité fait logiquement suite à la loi Organisation et transformation du système de santé[2] qui a renforcé leur positionnement et habilité le gouvernement à en définir les missions et la gouvernance par voie d’ordonnance

Pour aller plus loin. Consultez notre le 360° Tendances et perspectives budgétaires 2020.

Le modèle de financement proposé repose sur deux volets :

  • la mise en œuvre d’une garantie de financement pluriannuelle visant à sécuriser le financement de l’activité socle (l’activité de médecine) et à inciter au développement d’actions de prévention et d’amélioration de la coordination des soins plutôt qu’à une logique d’accroissement du nombre d’actes ;
  • la création d’une dotation de responsabilité territoriale qui sera allouée sur une base contractualisée avec les acteurs du territoire et les tutelles au titre des missions complémentaires et partagées avec la ville, afin de mettre en place une offre de consultations spécialisées, permettre l’accès à des plateaux techniques et des équipements de télésanté.

Par ailleurs, les deux volets de financement prendront en compte les résultats des établissements en matière de qualité de prise en charge.

La réforme du financement de la psychiatrie (article 25)

Le financement de la psychiatrie aura également pour objectif d’inciter à la mise en œuvre de la démarche qualité et de favoriser la diffusion de traitements et modes de prise en charge innovants. Le développement de la recherche notamment en pédopsychiatrie sera encouragé.

L’évolution du modèle cible du financement des soins de suite et de réadaptation (article 25)

Le chantier de la réforme du financement des soins de suite et de réadaptation (SSR) est engagé depuis déjà quelques temps. Ce PLFSS apporte de nouveaux éléments pour mettre le modèle en cohérence avec la stratégie de transformation du système de santé. Le modèle de financement proposé est mixte, avec :

  • une part de valorisation à l’activité pour améliorer la qualité et garantir l’homogénéité des prises en charge, tout en valorisant les prises en charge spécialisées ;
  • un part forfaitaire, permettant de garantir visibilité et stabilité, pour accompagner la transformation des organisations et soutenir le développement de l’ambulatoire.

La date d’entrée en vigueur du nouveau modèle de financement est décalée d’un an et fixée au 1er janvier 2021.

Améliorer l’accès aux soins

Le bilan de santé obligatoire pour les entrées dans l’aide sociale à l’enfance (article 35)

Un bilan de santé sera obligatoirement réalisé à l’entrée de l’enfant dans le dispositif de protection de l’enfance. Il devra permettre d’engager un suivi médical régulier et coordonné, et d’identifier les besoins en soins pour améliorer l’état physique et psychique qui seront intégrés au projet pour l’enfant. Ce bilan sera pris en charge par l’Assurance maladie.

Les mesures en faveur de l’installation des jeunes médecins (article 36)

Pour répondre au défi croissant de la démographie médicale, le projet de loi contient plusieurs mesures pour favoriser l’installation des jeunes médecins dans les zones fragiles en matière d’offre de soins. Les divers contrats incitatifs existants à l’heure actuelle seraient regroupés en un contrat unique ouvert aux médecins généralistes et spécialistes s’installant en zone sous-dense. Les médecins éligibles devront, pour pouvoir signer ces contrats, s’inscrire dans un dispositif d’exercice coordonné - maison de santé, centre de santé, communauté professionnelle territoriale de santé -, dans la logique souhaitée par le gouvernement de sortir de l’exercice libéral isolé.

Les autres mesures sont relatives à des exonérations ou allègements de cotisations sociales.

Financement des établissements belges accueillant des adultes en situation de handicap français (article 38)

Il s’agit d’encadrer le financement de l’offre belge, qui accueille aujourd’hui près de 8 000 Français, en renforçant les efforts pour trouver des solutions aux familles sur le territoire français et en proposant un cadre conventionnel pour s’assurer de la qualité de la prise en charge belge.

Les propositions d’amendements de Nexem

Nexem, seule ou avec ses partenaires - UNA, Fehap, FHF, CRF, APF France handicap… -, a proposé plusieurs amendements.

Clarifier le régime de la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires

Le régime de la « réduction Fillon » fait l’objet de divergences d’application, la formule de calcul n’étant pas clairement définie par les textes. Cette situation a pu donner lieu à des redressements Urssaf pour les organismes gestionnaires appliquant la CCN 66. La proposition d’amendement vise, en l’absence de positionnement clair de l’administration centrale sur la formule de calcul de la réduction générale, à clarifier la rédaction des dispositions du Code de la Sécurité sociale afin de mettre nos adhérents à l’abri des redressements.

Planifier la création de nouvelles places pour assurer la continuité de prise en charge des jeunes adultes bénéficiant de l’amendement Creton

Alors que le maintien d’un jeune adulte dans un dispositif pour enfants en situation de handicap au titre de l’amendement Creton a vocation à être transitoire, nombre de jeunes adultes voient leur orientation contrariée durablement faute de places suffisantes. La proposition d’amendement vise à mettre en adéquation ces besoins et la planification de la création de places nouvelles.

Modulation des financements au regard de l’activité dans le cadre des CPOM : ne plus apprécier l’activité de l’ESSMS au regard du seul taux d’occupation et intégrer d’autres indicateurs

Les autorités de contrôle et de tarification ont la possibilité de prévoir dans les CPOM une modulation des financements en fonction d’objectifs d’activité contractualisée. En pratique, le seul indicateur souvent retenu est celui du taux d’occupation. La proposition vise à obliger les financeurs à intégrer dans le calcul de l’activité d’autres indicateurs (nombre de personnes accompagnées, nombre de prestations réalisées).

Cette proposition a d’ores et déjà été adoptée par la commission des affaires sociales et sera donc débattue par les députés en séance.

Financement de l’aide à domicile : allouer les crédits nécessaires pour rendre attractifs les métiers de l’accompagnement

Comme la LFSS 2019, le PLFSS pour 2020 prévoit un fonds de 50 M€ de la CNSA afin de contribuer au financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD). Une proposition portée par UNA et Nexem vise à allouer 600 M€ : le fonds permettrait alors de revaloriser les rémunérations et de prendre en charge les temps et frais de déplacement pour les salariés de la branche de l’aide à domicile.

Par ailleurs, la commission a introduit dans le texte un article additionnel visant à prévoir la publication d’un décret précisant de nouvelles modalités d’attribution de l’enveloppe des 50 M€, afin d’engager une concertation avec le secteur.

Amplifier la portée du dispositif d’expérimentation de l’article 51 LFSS 2018 pour le secteur médico-social

La LFSS 2018 a introduit en son article 51 un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financements innovants, dérogeant aux règles classiques de tarification.  Le secteur sanitaire s’est saisi de ce dispositif, mais ce dernier est peu adapté au secteur médico-social. La proposition vise ainsi à amplifier la portée de l’article 51 pour permettre aux ESMS d’expérimenter des dérogations aux règles d’organisation et de nouvelles formes de coopération entre les acteurs au service du parcours de santé et de vie de personnes.

Grille de lecture du PLFSS

Partie I : Dispositions relatives à l’exercice 2018

Partie II : Dispositions relatives à l’exercice 2019

Partie III : Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre de la Sécurité sociale pour 2020

  • Titre 1 : Dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie
    • Chapitre 1 : Favoriser le soutien à l’activité économique et aux actifs
    • Chapitre 2 : Simplifier et moderniser les relations avec l’administration
    • Chapitre 3 : Réguler le secteur des produits de santé
  • Titre 2 : Conditions générales de l’équilibre financier de la Sécurité sociale

Partie IV : Dispositions relatives aux dépenses pour l’exercice 2020

  • Titre 1 : Poursuivre la transformation du système de soins
    • Chapitre 1 : Réformer le financement de notre système de santé
    • Chapitre 2 : Améliorer l’accès aux soins
    • Chapitre 3 : Renforcer la qualité, la pertinence et l’efficience des soins
  • Titre 2 : Promouvoir la justice sociale
    • Chapitre 1 : Protéger les Français contre les nouveaux risques
    • Chapitre 2 : Lutter contre la reproduction des inégalités sociales et territoriales
    • Chapitre 3 : Prendre en compte les parcours, les situations et les transitions
  • Titre 3 : Dotations et objectifs de dépense des branches et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires

[1] Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales.

[2] Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.