Aux termes de différents arrêts[1], la Cour de cassation a récemment précisé les conditions de validité d’une rupture conventionnelle.

Cass. soc. 5 juin 2019, n° 18-10901, Cass. soc. 19 juin 2019, n° 18-22897, Cass. soc. 3 juill. 2019, n° 17-14232, Cass. soc. 3 juill. 2019, n° 18-14414

Il résulte de ces décisions que l’employeur doit remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture signée, et que cette remise ne se présume pas (1). Par ailleurs, l’assistance de l’employeur lors de l’entretien de signature, alors que le salarié n’a pas fait usage de ce droit, n’invalide pas nécessairement la rupture conventionnelle (2). Enfin, pour la Cour de cassation, le respect du délai de rétractation doit s’apprécier au jour de l’envoi du courrier par la partie qui se rétracte (3).

1. Un exemplaire signé par les deux parties de la convention de rupture doit être remis au salarié

La Haute juridiction, sans que cela soit une réelle surprise, subordonne la validité d’une rupture conventionnelle à la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signée par les deux parties, tout en précisant également que cette remise ne se présume pas.

Aux termes de deux décisions rendues le 3 juillet 2019, la Cour de cassation estime :

  • d’une part, qu’une cour d’appel ne peut valablement valider une rupture conventionnelle dès lors que l’exemplaire de la rupture conventionnelle remis au salarié ne comporte pas la signature de l’employeur[2]. La cour d’appel considère en effet que seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause ;
  • d’autre part, que la remise au salarié d’un exemplaire de la convention de rupture ne saurait être présumée[3].

En l’espèce, un salarié sollicitait la nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail au motif qu’un exemplaire de la convention ne lui avait pas été remis.

La cour d’appel avait rejeté la demande de nullité du salarié et retenu que la convention de rupture rédigée sur le formulaire Cerfa n° 14598*01 mentionnait qu'elle était établie en deux exemplaires, et que quand bien même il n'était pas indiqué que chacun des exemplaires avait été effectivement remis à chaque partie, il devait être présumé que tel avait bien été le cas.

La Cour de cassation censure cette décision en considérant que le juge d’appel n’avait pas constaté qu’un exemplaire de la convention de rupture avait bien été remis au salarié concerné. Pour elle, la remise au salarié de la convention de rupture ne se présume pas : il appartient donc à l’employeur d’en apporter la preuve en cas de contestation.

Or, ledit formulaire Cerfa mis à disposition par l’administration ne stipule pas expressément que le salarié reconnaît qu’un exemplaire lui avait été remis.

Par conséquent, la seule signature dudit formulaire Cerfa ne permet pas à l’employeur d’attester de la remise d’un exemplaire au salarié, et ce même si les parties ont précisé que le document était établi en deux exemplaires.

Dès lors, afin d’éviter tout litige, l’employeur doit veiller à conserver, par tout moyen, une preuve de la remise du formulaire Cerfa susvisé au salarié. A cet effet, l’employeur peut, par exemple :

  • prévoir une remise en main propre contre décharge ;
  • indiquer sur le formulaire Cerfa n° 14598*01, notamment dans le cadre « Remarques éventuelles des parties ou des assistants sur ces échanges / autres commentaires », que le salarié reconnaît qu’un exemplaire lui a été remis.

2. L’assistance de l’employeur lors de l’entretien de signature, alors que le salarié n’a pas usé de cette faculté, n’invalide pas la rupture conventionnelle

Le Code du travail prévoit que, lors des entretiens préparatoires, l'employeur a la faculté de se faire assister uniquement quand le salarié en fait lui-même usage[4].

Néanmoins, dans une affaire où l’employeur s’était fait assister lors de l’entretien de signature de la convention de rupture alors que le salarié était seul, la Cour de cassation a considéré que l’assistance de l’employeur ne pouvait entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle avait engendré une contrainte ou une pression pour le salarié[5].

La seule assistance de l’employeur lors de l’entretien de signature, alors que le salarié s’y présente seul, n’est donc pas suffisant pour justifier la nullité de la rupture conventionnelle. Il appartient, en effet, au salarié de démontrer en quoi la présence du conseil de l’employeur a pu compromettre l’intégrité de son consentement.

Ainsi, il appartiendra à l’employeur de déterminer, en fonction de la situation, l’opportunité d’être assisté, lorsque le salarié n’use pas de cette possibilité. Néanmoins, comme indiqué ci-dessus, la prudence est de mise.

3. C’est la date d’envoi du courrier de rétractation, et non sa réception, qu’il convient de prendre en compte pour apprécier le respect du délai de 15 jours calendaires

Rappel. Le Code du travail dispose qu’à compter de la date de signature de la rupture conventionnelle, chacune des parties dispose d'un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation par lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception[6].

Dans l’affaire soumise à la Haute cour, une convention de rupture avait été conclue le 21 janvier 2015. Le 3 février 2015, soit dans le délai de 15 jours calendaires qui lui était imparti, l’employeur avait adressé au salarié un courrier de rétractation. Ce courrier n’avait toutefois été réceptionné par le salarié que le 6 février 2015, soit 1 jour après la fin du délai de rétractation.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel au motif qu’elle n’a pas pris en compte la rétractation de l’employeur et a en conséquence validé la rupture conventionnelle. Elle précise à cet effet qu’une partie à une convention de rupture conventionnelle peut valablement exercer son droit de rétractation dès lors qu’elle adresse à l’autre partie, dans le délai de 15 jours calendaires, une lettre de rétractation[7].


[1] Cass. soc. 5 juin 2019 2019, n° 18-10901 ; Cass. soc. 19 juin 2019, n° 18-22897 ; Cass. soc. 3 juill. 2019, n° 17-14232 ; Cass. soc. 3 juill. 2019, n° 18-14414.

[2] Cass. soc. 3 juill. 2019, n° 17-14232.

[3] Cass. soc. 3 juill. 2019, n° 18-14414.

[4] Article L. 1237-12 al. 4, du Code du travail.

[5] Cass. soc. 5 juin 2019, n°18-10901.

[6] Article L. 1237-13 al. 3, du Code du travail.

[7] Cass. soc. 19 juin 2019, n° 18-22897.