Les Assises nationales de la protection juridique des majeurs se sont tenues le 8 novembre en présence de Nicole Belloubet, garde des sceaux, dix ans après la loi du 5 mars 2007[1]. Cet événement, organisé par l’interfédération élargie[2], a été l’occasion de faire le bilan de cette loi et de dresser les perspectives d’avenir.

La garde des sceaux a rappelé que l’objectif premier de la loi était de contenir le nombre de mesures. Cela s’est en effet vérifié dans les faits : 700 000 personnes suivies en 2005, contre 725 000 en 2016. Si les effets de cette loi ont été globalement positifs, il reste néanmoins des questionnements, soulevés dans les rapports respectifs de la Cour des comptes et du Défenseur des droits en septembre 2016.

Une enquête a été réalisée par le ministère de la Justice afin d’évaluer les conditions d’application de la loi et de mesurer les problématiques qui peuvent éventuellement se poser. Les résultats seront connus en début d’année 2018.

Il s’agit principalement de personnes âgées de 65 ans en moyenne. En effet, les majeurs sous tutelle sont en moyenne beaucoup plus âgés que les majeurs sous curatelle (73 ans contre 58). Le vieillissement de la population aura donc un impact non négligeable sur le nombre de mesures dans les prochaines années. Cela inquiète les mandataires judiciaires, déjà très surchargés.

Pour anticiper cette situation problématique, des mesures concrètes ont déjà été engagées depuis quelques années.

Renforcer la primauté familiale

Avec la création de l’habilitation familiale par ordonnance du 15 octobre 2015, la personne a la possibilité de se faire représenter par un proche pour certains actes précis. Cela permet de favoriser les prises en charge familiales et de s’affranchir de la tutelle du juge. Ainsi, plus de 5 000 demandes ont été formulées en 2016. Nicole Belloubet a souhaité élargir cette mesure aux hypothèses d’assistance, et non plus seulement de représentation. Elle a également souhaité qu’une « passerelle » soit instituée. Cela permettrait au juge, saisi d’une demande de tutelle ou de renouvellement, de prononcer cette mesure familiale lorsque les intérêts du majeur sont suffisamment garantis par son entourage.

Valoriser l’expression anticipée de la volonté

La loi de 2007 a mis en place le dispositif du mandat de protection future. Celui-ci permet à une personne de désigner à l'avance la ou les personnes chargées de veiller sur elle et, le cas échéant, sur tout ou partie de son patrimoine, quand elle sera dans l’incapacité de le faire.

Or, 5 000 mandats seulement ont été mis en œuvre depuis 2009. Cet échec est probablement dû à l’ignorance, par les personnes, de l’existence de cette mesure. C’est pourquoi la loi Vieillissement[3] a prévu la mise en place d'un registre spécial d’enregistrement du mandat de protection future (MPF). Ce registre est désormais inscrit dans l’article 477-1 du Code civil. La ministre a pour objectif d’améliorer les différentes modalités de publicité des mesures de protection.

Repenser le contrôle de la mesure

L’efficience du contrôle de la mesure par le juge doit pouvoir être assurée en parallèle avec celle portant sur le statut des mandataires judiciaires. A ce titre, le ministère de la Justice prend part à un groupe de travail piloté par le ministère des Solidarités et de la Santé en vue d’élaborer un référentiel sur l’éthique et la déontologie des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Un meilleur contrôle des comptes de gestion est également prévu.

Mieux garantir l’autonomie de la volonté des personnes protégées

Au moment de la mise en œuvre de la mesure judiciaire de protection, la ministre prévoit de réserver le recours au juge aux cas de conflit ou de suspicion. Une réflexion sera également menée sur l’éventualité d’une mesure judiciaire unique, prononcée par un juge de la protection des majeurs. L’objectif de cette mesure étant d’adapter la décision judiciaire à chaque situation individuelle et de faciliter le travail du mandataire judiciaire.

La réflexion portera également sur :

  • l’ouverture des mesures d’accompagnement social aux autres revenus que les prestations sociales ;
  • l’exercice des droits fondamentaux des majeurs protégés (droit de vote, mariage, etc.).

Un groupe de travail sera mis en place prochainement par le directeur des Affaires civiles et du sceau pour remettre à plat l’architecture des régimes de protection des majeurs.

[1] Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

[2] Cnape, FNAT, Unapei, Unaf, ANJI, ANDP, ANMJPM et FNMJPM.

[3] Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.