Par Sandra Bekaert, juriste référente

Le refus abusif par un salarié inapte du poste de reclassement

En matière d’inaptitude physique d’origine professionnelle - liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle -, le salarié perçoit des indemnités spécifiques - en plus de l’indemnité compensatrice de congés payés le cas échéant[1] - :

  • une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale de licenciement (à comparer avec l’indemnité conventionnelle non doublée) ;
  • et une indemnité compensatrice égale à la durée du préavis.

Toutefois, l’article L. 1226-14 du Code du travail précise que ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur s’il établit que « le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif ».

Il convient d’indiquer qu’un refus d’un poste de reclassement qui entraîne une modification du contrat de travail n’est jamais abusif[2].

Cependant, à titre d’illustration, le refus du salarié peut être considéré comme abusif dans les situations suivantes :

  • s’il concerne un poste approprié aux capacités du salarié et comparable au poste précédemment occupé et qu’il est refusé sans motif légitime[3];
  • s’il s’agit d’un poste de reclassement spécialement aménagé avec l’accord du médecin du travail avec maintien de salaire[4]. En l’espèce, l'employeur, avec l'accord du médecin du travail, avait proposé au salarié un nouveau poste spécialement aménagé en fonction du handicap invoqué, avec maintien intégral de la rémunération qu'il percevait dans son ancien emploi. Le salarié avait malgré tout refusé ce poste en le considérant comme incompatible avec son état de santé.

Conséquences indemnitaires du refus abusif du salarié

L'indemnité compensatrice équivalent à la durée du préavis et l'indemnité spéciale de licenciement ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif[5].

Le salarié ne perçoit donc pas les indemnités spécifiques liées à la procédure d’inaptitude professionnelle.

Le salarié est alors indemnisé dans les conditions de droit commun[6]. Même si le refus par le salarié du poste de reclassement est jugé abusif, il a droit à l'indemnité légale de licenciement non doublée (ou à l’indemnité conventionnelle si elle est plus favorable)[7].

En tout état de cause, le refus du poste ne permet pas à l'employeur de se placer sur le terrain disciplinaire et de licencier pour faute le salarié ; le seul motif envisageable de licenciement est le licenciement pour inaptitude physique d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement[8].

A noter. Il n’est pas exigé de faire référence, dans la lettre de licenciement, au caractère abusif du refus par le salarié du reclassement proposé[9].


[1] Cette indemnité n’est versée qu’en cas de congés payés acquis non pris par le salarié à la date de rupture effective de son contrat de travail.

[2] Cass. soc., 15 juillet 1998, n° 95-45362 ; Cass. soc., 30 novembre 2010, n° 09-66687.

[3] Cass. soc., 7 mai 1996, n° 92-42572.

[4] Cass. soc., 7 décembre 1994, n° 90-40840.

[5] Article L. 1226-14 du Code du travail.

[6] Cass. soc., 17 mai 2016, n° 14-19861

[7] Cass. soc., 23 janv. 2001, n° 98-40651

[8] Cass. soc., 25 mai 2011, n° 09-71543

[9] Cass. soc., 30 avr. 2014, n° 12-30173