Le fait qu’un salarié refuse de signer son contrat et commence à travailler tout en sachant qu’il s’agissait d’un contrat à durée déterminée (CDD) ne suffit pas, selon la Cour de cassation, à prouver sa mauvaise foi ou son intention frauduleuse[1].

Cass. Soc., 10 avril 2019, n° 18-10614

En l’espèce, un salarié avait été engagé en CDD pour accroissement temporaire d'activité. Après quelques semaines de travail, le salarié saisit le juge afin de demander la requalification de son contrat en CDI pour défaut de signature du contrat.

La cour d’appel n’accède pas à sa demande. Les juges retiennent que le défaut de signature était dû au refus du salarié et qu’il avait commencé à travailler en connaissant le motif de recours et le terme du CDD, qui étaient expressément mentionnés dans sa promesse d’embauche.

Pour la Cour de cassation, les motifs invoqués par l’employeur et la cour d’appel « ne suffisaient pas à caractériser la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse du salarié ».

Elle justifie sa décision notamment car, en l’espèce, la promesse d'embauche ne valait pas contrat dans la mesure où « il s'agissait d'un courriel, non signé, qui ne comportait pas les mentions imposées par la loi, en particulier la définition précise du motif de recours au contrat à durée déterminée »[2].

Ce qu’il faut en conclure. Le défaut de signature d'un CDD entraîne, à la demande du salarié, la requalification en CDI, sauf si l’employeur parvient à démontrer que le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

Dans cet arrêt du 10 avril 2019, l’employeur n’a pas apporté suffisamment d’éléments prouvant la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse du salarié.

Cette décision n’est qu’une confirmation de positions déjà prises par les juges. Par exemple, dans une affaire de mars 2012[3], une salariée avait demandé la requalification de son CDD en CDI pour défaut de signature du contrat. Son employeur contestait cette demande au motif qu’il avait apporté la preuve que les CDD écrits ont bien été remis à la salariée ; la salariée a refusé de les rendre « malgré notamment un rappel par courrier recommandé du 6 septembre 2007, rappelant un courrier du 16 mai 2007 resté sans effet ». Malgré cela, la Cour de cassation a décidé que ces preuves ne caractérisaient pas « la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse de la salariée ». Il y a donc eu requalification en CDI.

L’arrêt du 10 avril 2019 confirme donc une position des juges très stricte en la matière. Toutefois, le législateur a tenté d’assouplir cette requalification, depuis les ordonnances Macron de septembre 2017, en indiquant à l’article L. 1245-1 du Code du travail que « La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ».

On peut donc espérer une appréciation moins stricte des juges à l’avenir en termes de requalification en CDI.

En tout état de cause, nous vous conseillons de mettre en place une procédure interne  pour vos recrutements afin que les salariés en CDD signent leurs contrats avant la prise de poste lorsque cela est possible et au plus tard le jour de leur embauche. Cela évitera bon nombre de contentieux basés sur le défaut de signature du contrat.


[1] Cass. Soc., 10 avril 2019, n° 18-10614.

[2] Au sens de l’article L. 1242-12 du Code du travail.

[3] Cass. Soc. 7 mars 2012, n° 10-12.091.