Par Sandra Bekaert, juriste référente en droit social

Le principe : interdiction de travailler pendant un arrêt de travail

Les contours de l’interdiction

Lorsqu’un salarié est en arrêt maladie, certaines activités lui sont interdites sous peine de sanctions. Le salarié risque notamment de perdre le bénéfice du versement des indemnités journalières de la Sécurité sociale (IJSS).

Une analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation nous permet d’illustrer quelles activités privent le salarié du bénéfice des indemnités journalières :

  • l’exercice d’une activité professionnelle, que cette activité soit indépendante, salariée, bénévole ou rémunératrice. Les juges considèrent même que la présence d’un gérant d’une brasserie sur son lieu de travail pendant un arrêt maladie est interdite[1];
  • les activités liées au mandat de représentant du personnel exercées sans autorisation du médecin traitant[2];
  • les activités sportives exercées sans autorisation du médecin traitant[3];
  • les activités de loisirs, tel que participer à un spectacle musical[4];
  • les activités de jardinage[5];
  • les activités de conseiller municipal et les activités associatives[6].

L’interprétation des juges est large puisque toute activité semble être concernée, qu’elle soit professionnelle ou non professionnelle, rémunérée ou non rémunérée et même les activités syndicales.

Par ailleurs, cette interdiction s’étend aux heures de sorties autorisées ou non. En effet, la prescription de « sorties libres » par le médecin traitant n'équivaut pas à une telle autorisation[7].

Le salarié ne peut donc pas se livrer à ses activités habituelles lorsqu’il est en arrêt maladie.

Les activités autorisées et les particularités pour le salarié multi-employeurs

Le salarié en arrêt de travail peut continuer d’exercer des activités à condition qu’elles aient été expressément autorisées par son médecin traitant. Ainsi, sous réserve du respect de cette obligation, un salarié peut continuer à exercer des mandats électifs, utiliser ses heures de délégation ou encore avoir des activités sportives.

La réponse est identique concernant la poursuite d’une activité professionnelle pendant un arrêt maladie. Dans un arrêt du 8 avril 2010, la Cour de cassation a admis qu’un salarié puisse poursuivre son activité d’enseignant chez un employeur, tout en justifiant d’un arrêt de travail pour son activité de musicien chez un autre employeur. Dans cette affaire, le salarié était atteint par une maladie professionnelle qui avait une influence majeure sur l’activité de musicien. Les juges constatent que « l'activité poursuivie par l'assuré pendant son arrêt de travail avait été autorisée, la cour d'appel a exactement déduit que ce dernier avait droit aux indemnités journalières »[8].

Cette situation peut aboutir à ce qu’un salarié qui exerce plusieurs emplois auprès de différents employeurs soit en arrêt de travail pour une seule de ses activités. Il est donc possible, à condition que cela ait été autorisé par le médecin traitant, qu’un salarié soit en arrêt de travail chez un employeur et pas chez un autre.

Pour ce qui est du suivi d’une formation professionnelle, des textes autorisent sa réalisation pendant un arrêt de travail dans un cadre bien précis. Il est admis que le salarié puisse accéder à des actions de formation professionnelle, mais seulement après accord du médecin-conseil de la CPAM. En effet, l’article L. 323-3-1 du Code de la sécurité sociale prévoit que « le versement de l'indemnité journalière ne fait pas obstacle à ce que l'assuré demande, avec l'accord du médecin traitant, à accéder aux actions de formation professionnelle continue prévues à l'article L. 6313-1 du code du travail ou à des actions d'évaluation, d'accompagnement, d'information et de conseil auxquelles la caisse primaire participe, sous réserve qu'après avis du médecin-conseil la durée de ces actions soit compatible avec la durée prévisionnelle de l'arrêt de travail. La caisse fait part de son accord à l'assuré et, le cas échéant, à l'employeur, ce dernier en informant le médecin du travail ».

Les conséquences en cas de non-respect de l’interdiction

Si le salarié exerce une activité interdite pendant un arrêt maladie, il doit restituer les indemnités journalières qui lui ont été versées par la CPAM.

L’employeur qui fait travailler un salarié en arrêt maladie est également fautif. S’il a laissé travailler le salarié, ce dernier peut lui demander le versement de dommages-intérêts d'un montant correspondant aux sommes restituées à la CPAM.

Il n’est pas nécessaire que l’employeur ait exigé que le salarié travaille pendant cette période. La Cour de cassation considère, en effet, que le simple fait que l’employeur ait laissé la salariée travailler en période de suspension du contrat de travail permet d’engager sa responsabilité[9]. Dans cette affaire, une enquête de l’inspection du travail avait révélé qu’une salariée avait travaillé alors que son contrat de travail était suspendu, pour accident de travail puis pour maladie.

C’est donc à l’employeur d’imposer à son salarié de s’arrêter de travailler s’il ne veut pas en subir pour finir les conséquences financières.

Les particularités pour le salarié multi-employeurs

Lorsque le salarié continue d’exercer une de ses activités professionnelles sans avoir préalablement demandé l’autorisation à son médecin traitant, il se met en fraude.

La CPAM peut demander le remboursement des indemnités journalières si elle les a versées au salarié. Cependant, si l’association pratique la subrogation, la CPAM se tournera vers l’employeur pour exiger ce remboursement. Dans cette hypothèse, l’employeur pourra se retourner à son tour vers le salarié pour exiger le remboursement des sommes indûment versées.


[1] Cass. Civ. 2e, 25 juin 2009, n° 08-17594.

[2] Cass. Ch. Mixte, 21 mars 2014, n° 12-20002.

[3] Cass. 2e civ., 9 décembre 2010, n° 09-16140.

[4] Cass. 2e civ., 9 avril 2009, n° 07-18294.

[5] Cass. soc., 19 octobre 1988, n° 86-14256.

[6] Cass. Civ 2, 15 juin 2017, n° 16-17567.

[7] Cass. 2e civ., 9 décembre 2010, n° 09-16140.

[8] Cass. 2e civ., 8 avril 2010, n° 09-10823.

[9] Cass. soc., 21 nov. 2012, n° 11-23009.