CE, 8 juillet 2019, n° 420434

Dans cette affaire, au sein d’une entreprise spécialisée dans la fabrication d’équipements automobile, une annexe au règlement intérieur prévoyait les modalités des « contrôles d’état d’ébriété ». Il en résultait que les salariés occupant des postes à risque ou de sûreté et sécurité étaient soumis à une « tolérance zéro alcool ».

A l’occasion d’un contrôle, l’inspecteur du travail exige l’annulation de la disposition, comme l’y autorise l’article L. 1322-1 du Code du travail. L’employeur conteste alors cette annulation devant les tribunaux administratifs ; s’en suivra un rejet de la demande par les juges du fond.

Le Conseil d’Etat est alors venu préciser les conditions de validité d’une telle clause. Rappelons que jusqu’alors l’employeur ne pouvait interdire de façon générale et absolue toute consommation d’alcool dans l’entreprise[1].

La Haute juridiction administrative rappelle deux principes :

  • l'employeur ne peut apporter des restrictions aux droits des salariés que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché[2] ;
  • l'employeur, qui est tenu à une obligation générale de prévention des risques professionnels, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs[3].

Dès lors, il résulte de cet arrêt que l’employeur peut, pour des impératifs de sécurité, prendre des mesures proportionnées au but recherché, ayant pour conséquence de limiter, voire d’interdire toute consommation d’alcool sur le lieu de travail.

À ce titre, l'employeur peut ainsi lister en annexe au règlement intérieur les postes visés par l'interdiction totale de consommation d'alcool ou d’imprégnation alcoolique et justifier le caractère proportionné de la mesure grâce au document unique d'évaluation des risques professionnels, et ce quand bien même le règlement intérieur n’y fait pas de référence directe.

Par conséquent, le Conseil d’État semble faire évoluer sa jurisprudence, jusqu’alors défavorable à l’interdiction de toute consommation de boisson alcoolisée au travail.

Rappel. La loi Pacte[4] modifie le seuil d’effectif pour la mise en place du règlement intérieur. A compter du 1er janvier 2020, la mise en place du règlement intérieur ne sera obligatoire qu’à compter de 50 salariés (et non plus à partir de 20 salariés), tout en sachant cependant que cette obligation s'appliquera au terme d'un délai de douze mois à compter de la date à laquelle le seuil de 50 salariés aura été atteint.


[1] CE 12 novembre 2012, n° 349365.

[2] Article L. 3121-3, 2° du Code du travail.

[3] Articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

[4] Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, JO du 23 mai 2019.