Cass. crim., 5 mars 2019, n° 17-86.984.

Un salarié a été blessé au visage sur son lieu de travail, après avoir été la cible de son collègue, muni d’un arc et d’une flèche.

Les faits sont les suivants : deux salariés rénovent une toiture et chahutent avec une bouteille d’eau en revenant de leur pause déjeuner. L’un des deux, arrosé, engage alors de cocasses représailles : il va chercher un arc et une flèche appartenant à leur client dans sa grange et décoche une flèche sur son collègue. Touché au visage, celui-ci décroche alors plusieurs mois d’incapacité de travail, tandis que l’autre est condamné devant le tribunal correctionnel pour blessures involontaires.

La Cour de cassation, saisie de l’affaire, a retenu la qualification d’accident du travail.

La présomption de l’accident du travail

Selon l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Le Code de la Sécurité sociale pose ainsi une présomption d’accident du travail en cas d’accident survenu au temps et au lieu de travail, ou plus généralement, lorsqu’un salarié agit sous la subordination de son employeur.

Cette présomption d'imputabilité de l'accident au travail a pour effet de dispenser le salarié d'établir la preuve du lien de causalité entre l'accident et le travail.

De ce fait, il est plus facile pour le salarié d’être indemnisé à la suite de cet accident. En outre, l’intérêt pour le salarié porte également sur le fait que l’indemnisation en cas d’arrêt pour accident du travail est plus favorable que celle d’un arrêt n’ayant pas d’origine professionnelle.

Toutefois, cette présomption d’accident du travail peut être renversée dans certaines situations :

  • lorsque l’on arrive à prouver que l’accident a une cause totalement étrangère au travail ;
  • lorsque l’on arrive à prouver que la victime de l’accident s’est soustraite à l’autorité de l’employeur lors de la survenance de l’accident.

Dans ces situations, l’accident du travail n’est plus naturellement qualifié. Cela signifie alors que c’est à la victime d’apporter la preuve de l’origine professionnelle de son accident.

C’est ce qu’ont cherché à démontrer les sociétés d’assurance de l’employeur au cours de cette affaire, principalement pour des questions de dommages et intérêts.

De ce fait, elles ont tenté de convaincre les juges que l’accident n’avait aucun lien avec l’exécution du contrat de travail des salariés. L’accident s’étant en effet passé au retour d’une pause déjeuner, avant même d’avoir repris le travail, avec des objets étrangers à la rénovation de la toiture, que les salariés n’étaient pas autorisés à utiliser.

Mais ce n’est pas la position finalement retenue par la Cour de cassation.

La qualification de l’accident du travail

La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle premièrement la définition de l’accident du travail : « (…) est présumé imputable au travail, l’accident survenu, quelle qu’en soit la cause, sur le lieu et dans le temps du travail, qui comprend le temps de la pause déjeuner, au préjudice d’un salarié dont il n’est pas rapporté la preuve qu’il se soit soustrait à l’autorité de son employeur, et que la preuve que l’accident a eu une cause entièrement étrangère au travail n’était pas davantage rapportée, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

La chambre criminelle, se positionnant du côté de la victime, considère alors que la présomption est effective, dès lors que l’accident du travail intervient sur le lieu et dans le temps du travail, « qui comprend le temps de la pause déjeuner ».

Retenant la présomption d’accident du travail également dans la mesure où l’employeur n’a pas pu rapporter la preuve que son salarié s’est soustrait à son autorité, la chambre criminelle caractérise l’accident du travail et renvoie alors l’affaire devant une nouvelle cour d’appel.

Cette qualification en accident du travail d’un accident survenu au cours d’une pause déjeuner, sans preuve de la soustraction du salarié à l’autorité de son employeur, avait déjà fait l’objet d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation[1].

Par ces arrêts, la Cour de cassation assouplit les contours de la notion de temps de travail aux temps précédant le début ou suivant la fin du travail.

C’est pourquoi il est important de prendre conscience qu’il peut être difficile pour l’employeur de prouver qu’un accident a une cause totalement étrangère au travail, étant donné la largesse d’interprétation des juges sur le caractère professionnel d’un accident. L’employeur pourra toujours apporter des réserves lors de la déclaration de l’accident du travail.

[1] Cass. soc., 12 oct. 1967, n° 66-11.534 : Bull. civ. V, n°640.