Autorisé en 2004 par la loi pour la confiance dans l’économie numérique[1], le vote électronique est rendu opérationnel quelques années plus tard par le décret d’application du 25 avril 2007[2]. Ce dernier imposait pour la mise en place d’un scrutin par voie dématérialisée la signature d’un accord avec les organisations syndicales représentatives au niveau de l’entreprise ou du groupe.

La loi Travail du 8 août 2016[3] est venue assouplir le dispositif en permettant à l’employeur de mettre en place le vote électronique par décision unilatérale en cas d’échec des négociations avec les partenaires sociaux. Quoi qu’il en soit, cette étape s’envisage donc avant la négociation du protocole préélectoral.

Bien que facilité dans sa mise en place, le vote électronique n’en reste pas moins exigeant dans sa mise en œuvre.

Un cadre juridique défini

Pas loin d’une quinzaine d’articles dans le Code du travail viennent réglementer le déroulement de la procédure.

En premier lieu, il convient de préciser que la possibilité de recourir au vote électronique peut être prévue par un accord d'entreprise ou, à défaut d’accord, par décision unilatérale de l’employeur (DUE).

L’employeur devra notamment :

  • établir un cahier des charges permettant d’assurer la confidentialité des données transmises lors du vote. Ces éléments devront être tenus à disposition des salariés et sur l’intranet de l’entreprise le cas échéant[4];
  • faire expertiser le dispositif au préalable par un expert indépendant[5];
  • déclarer le dispositif à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et informer les organisations syndicales représentatives de l’accomplissement des formalités[6];
  • remettre à chaque salarié une notice d’information détaillée sur le déroulement des opérations électorales[7];
  • former les membres du bureau de vote, ainsi que les représentants du personnel, au système de vote retenu[8].

Compte tenu de la complexité du dispositif et de la technicité du processus, l’employeur décide souvent, en pratique, de faire appel à un prestataire. Ce choix est libre. L’employeur n’a pas à consulter les instances représentatives du personnel sur ce point.

Toutefois, les organisations syndicales sont indirectement associées au processus lors de la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP) qui fixe les modalités du déroulement des opérations électorales (date et heure du scrutin, composition du bureau de vote…). Le nom du prestataire s’il est choisi, le cahier des charges, ainsi que l’éventuel accord d’entreprise doivent être annexés au PAP[9]

L’opportunité de ce dispositif

Le recours au vote électronique lors des élections professionnelles doit être mûrement réfléchi. S’il permet un gain de temps indiscutable dans le déroulement des opérations et peut réduire les coûts matériels engendrés par le vote physique, les nombreuses exigences relatives à la confidentialité ne doivent pas être négligées. En effet, le risque d’annulation des élections n’en disparaît pas moins avec un scrutin dématérialisé.

A titre d’exemple, des élections ont été annulées en raison de l’envoi des codes d’identification aux salariés sur les boîtes mails professionnelles sans d’autres précautions[10].

A l’inverse, la Cour de cassation[11] n’a pas retenu l’annulation des élections lorsque l’envoi des identifiants et mots de passe aux salariés s’effectuait par lettre simple. Dans cette affaire les magistrats ont considéré qu’une transmission par lettre simple pouvait suffire à garantir le respect des règles relatives à la confidentialité des données dès lors que le protocole d’accord préélectoral prévoyait une transmission par lettre simple, mais également pour accéder au vote, l’inscription du mois et du département de naissance du salarié et, enfin, une procédure de réédition des codes non reçus, qui pouvaient être renvoyés par courriel ou communiqués par téléphone après authentification du salarié.

Enfin, plus récemment, la Haute juridiction est venue sanctionner certaines dérives engendrées par le vote dématérialisé. En l’espèce, certains salariés avaient confié leur code d’identification à un collègue afin qu’il vote à leur place[12]. Le vote par procuration n’étant pas autorisé en matière d’élections professionnelles, le scrutin a été annulé.

Ainsi, la réflexion devra être menée en tenant compte du contexte de chaque structure. La taille de l’association, l’équipement informatique des salariés, l’éparpillement des sites sont autant d’éléments à prendre en considération avant d’arrêter un choix.

En bref

En tout état de cause la mise en place du vote électronique nécessitera beaucoup d’anticipation dans l’organisation du scrutin. De même, une forte communication auprès des salariés paraît indispensable afin de les sensibiliser au dispositif. A défaut, le taux de participation risquerait de ne pas être à la hauteur des attentes qu’un mode de scrutin ouvert en dehors du temps de travail et étalé sur plusieurs jours peut laisser espérer.


[1] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

[2] Décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise et modifiant le code du travail.

[3] Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

[4] Article R. 2314-6 du Code du travail.

[5] Article R. 2314-9 du Code du travail.

[6] Article R. 2314-11 du Code du travail.

[7] Article R. 2314-12 du Code du travail.

[8] Article R. 2314-12 du Code du travail.

[9] Article R. 2314-13 du Code du travail.

[10] Cass. soc., 27 février 2013, n° 12-14415.

[11] Cass. soc., 20 septembre 2017, n° 16-60272.

[12] Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 17-29022.