Après plusieurs relances auprès du ministère de la Santé et de la Prévention, le décret n° 2022-1198 du 31 août 2022 tant attendu sur les modifications apportées à la rémunération des assistants familiaux faisant suite à la loi du 7 février 2022 est enfin paru au Journal officiel le 1er septembre 2022, soit le jour de l’entrée en vigueur des mesures qu’il contient. Découvrez notre analyse.

Nous vous livrons nos premières analyses du décret qui :

  • impose la contractualisation dans le contrat de travail du nombre d’enfants susceptibles d’être accueillis par l’assistant(e) familial(e), ainsi que le cas échéant celle du montant de l’indemnité de sujétion exceptionnelle dans le contrat d’accueil ;
  • impose une rémunération garantie de l’assistant familial des accueils permanents continus, sensiblement supérieure aux rémunérations conventionnelles ;
  • supprime le versement de l’indemnité d’attente, mais la remplace par une indemnité pour accueil non réalisé du fait de l’employeur ;
  • revoit à la hausse le montant de la rémunération des accueils permanents intermittents ;
  • modifie le montant de l’indemnité versée en cas de suspension d’agrément ;
  • impose le versement d’une indemnité de disponibilité des assistants familiaux spécialisés dans les accueils urgents et de courtes durées, lorsqu’ils n’accueillent aucun enfant.

Consciente des bouleversements induits par ce décret, Nexem a sollicité la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour obtenir plus de précisions sur le calcul de la rémunération dans certaines situations, afin que vous puissiez paramétrer correctement vos logiciels de paye. Nous attendons leur retour pour vous livrer une analyse complète et une meilleure compréhension sur sa mise en œuvre.

Nous travaillons activement à la mise à jour de notre base documentaire (FAQ et 360° sur le placement familial), afin d’apporter toutes les informations nécessaires à cette réforme importante. Pour ce faire, notre base documentaire sera régulièrement actualisée.

Toutes les dispositions abordées ci-dessous s’appliquent à compter du 1er septembre 2022[1].

1.     La contractualisation dans le contrat de travail du nombre d’enfants susceptibles d’être accueillis par l’assistant(e) familial(e)

Le décret dispose notamment que : « l’indemnité prévue au dernier alinéa de l’article L. 423-30 est calculée pour chaque accueil prévu par le contrat […] »[2].

Le décret se contente de réaffirmer ce que prévoit la loi à l’article L. 423-31 alinéa 1er du Code de l’action sociale et des familles (CASF) : « Le contrat de travail passé entre l'assistant familial et son employeur précise le nombre de mineurs ou de jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans susceptibles d'être confiés à l'assistant familial, dans les limites prévues par l'agrément de ce dernier. »

Comme nous vous y invitions déjà courant juillet, il est recommandé de bien anticiper vos besoins afin d’évaluer le nombre d’enfants qui sera contractualisé dans le contrat de travail. La mention contractuelle du nombre d’enfants accueillis déterminera le niveau de maintien de rémunération en cas de moindre « activité » (cf. point 3).

Nous vous proposons l’insertion de cette clause : « Conformément à la loi du 7 février 2022, les parties conviennent que le nombre d’enfants susceptibles d’être confiés s’élève à ___, au regard du nombre d’agrément de l’assistant(e) familial(e) ». Pour l’heure, il ne nous semble pas utile d’aller plus loin en matière de contractualisation car la loi n’oblige pas à prévoir d’autres mentions.

2.     La rémunération garantie des assistants familiaux en contrat d’accueil permanent continu (article D. 423-23 modifié du CASF)

Le décret modifie la rémunération garantie qui se décompose désormais comme suit :

  • 1er alinéa de l’article D. 423-23 modifié du CASF : « Il y a autant de parts que d’accueils envisagés par le contrat de travail » : 1 part = 1 accueil. Ce principe n’est valable que pour les accueils continus ;
  • 2e alinéa de l’article D. 423-23 modifié du CASF : « la part correspondant au premier accueil ne peut être inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance mensuel » : 1er accueil = le Smic mensuel soit 1 678,95 € bruts mensuels à ce jour ;
  • 3e alinéa de l’article D. 423-23 modifié du CASF : « les parts correspondant à chaque accueil supplémentaire ne peuvent être inférieures à 70 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance par mois et par enfant » : à partir du 2e accueil = 70 fois le Smic horaire soit 774.90€ bruts mensuels (11.07€ x 70).

Au vu de ces modifications, il convient désormais de faire certains constats par rapport aux dispositions prévues par la convention collective du 15 mars 1966 et à son annexe 11 spécifique aux assistants familiaux (ou avenant 351). En effet, il convient notamment de s’assurer que le dispositif conventionnel reste bien plus favorable aux nouvelles dispositions légales.

Or, d’après nos premières simulations, la rémunération légale pour un accueil permanent continu est désormais forcément plus favorable que la rémunération conventionnelle, sauf lorsque l’assistant familial compte 28 ans d’ancienneté et a 2 enfants en accueil permanent continu.

3.     Les accueils non réalisés (hors accueils urgents et de courte durée)

L’indemnité d’attente est supprimée par l’article 28 de la loi du 7 février 2022.

Le dernier alinéa de l’article L. 423-30 modifié du CASF dispose que : « l’employeur versera à l’assistant familial une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à 80 % de la rémunération prévue par le contrat, hors indemnités et fournitures, pour les accueils non réalisés, lorsque le nombre d’enfants qui lui sont confiés est inférieur aux prévisions du contrat du fait de l’employeur. Le présent alinéa n’est pas applicable aux accueils urgents et de courte durée. »

Le décret complète la loi en précisant que : « L’indemnité prévue au dernier alinéa de l’article L. 423-30 est calculée pour chaque accueil prévu par le contrat et non réalisé du fait de l’employeur »[3].

L’assistant(e) familial(e) ne percevra une indemnité pour accueil non réalisé que si le nombre d’enfants qui lui est confié est inférieur aux prévisions du contrat du fait de l’employeur. La loi n’explicitant pas cette dernière notion, il nous semble impératif qu’en cas de refus d’enfants par l’assistant(e) familial(e), l’employeur lui demande un écrit formalisant son refus, dans un souci de preuve en cas de contentieux. Sans preuve écrite, un juge pourrait alors penser que l’indemnité pour accueil non réalisé relève d’une décision de l’employeur.

En obtenant un écrit de refus d’accueil de l’assistant(e) familial(e), cette dernière ne pourra prétendre au bénéfice de cette indemnité.

En pratique, s’il était prévu l’accueil de 2 enfants dans le contrat et que l’assistant familial se retrouve sans accueil du fait de l’employeur, le bulletin de paie se décomposera comme suit :

  • indemnité compensatrice pour le 1er enfant : 80 % du Smic x le nombre de jours sans accueil ;
  • indemnité compensatrice pour le 2e enfant : 80 % de 70 Smic horaire x le nombre de jours sans accueil.

4.     Exemples de calculs de la rémunération des assistants familiaux en cas d’accueil permanent continu

Une comparaison entre la rémunération légale et celle prévue conventionnellement s’impose.

Cependant, la loi ne précise pas comment doit s’opérer une éventuelle proratisation de la rémunération en cas de départ ou d’arrivée d’un enfant. A notre sens, l’article 10.1.4 de la CCN 66 doit continuer à s’appliquer dans le calcul de la rémunération conventionnelle. L’article précité prévoit qu’un prorata de la rémunération n’est envisagé que si l’accueil est inférieur à 16 jours, à défaut, la rémunération totale est due sur la période. Cette disposition conventionnelle va soulever en pratique quelques difficultés.

Voici notre première approche en paie de la comparaison qui doit s’effectuer, sous réserve de la confirmation de la DGCS :

Exemple 1 : 2 enfants sont prévus au contrat de travail en contrat d’accueil permanent continu. Un enfant est accueilli pendant 13 jours au cours du mois et un autre est accueilli tout le mois. L’assistant familial est en début de grille conventionnelle.
Rémunération légale Rémunération conventionnelle
  • 1re part (1er au 30 du mois) :
    Smic : 1678,95€
  • 2e part (1er au 13 du mois) : (70 x 11.07) x 13/30 = 335.79€
  • Indemnité 2e part de l’enfant absent (14 au 30 du mois soit 17 jours) : 0.8 x 17/30 x (70 x 11.07) = 351.28€

Total pour l’accueil du 2e enfant : 335.79 +351.28 = 687.07€

Total : 2366.02€ bruts

 

  • 1re part (1er au 30 du mois) :
    Smic : 1678.95€ (la rémunération conventionnelle est inférieure : 295 x 3.82 x 1.0921 (9.21%) = 1230.68€)
  • 2e part (1er au 13 du mois) : application de l’article 10.1.4 de l’annexe 11 de la CCN 66 :  prorata de la rémunération car l’accueil est d’une durée inférieure à 16 jours au cours du mois (prorata au 1/26e)

13/26 x (468-295) x 3.82 x 1.0921 (9.21%) = 360.86€

·        Indemnité 2e part de l’enfant absent (14 au 30 du mois soit 17 jours) : 0.8 x 17/30 x (70 x 11.07) = 351.28€

Total : 2391.09€ bruts

Conclusion : versement de 2391.09€ bruts à l’assistant familial

Exemple 2 : 2 enfants sont prévus au contrat de travail en contrat d’accueil permanent continu. Un enfant est accueilli pendant 17 jours au cours du mois et un autre est accueilli tout le mois. L’assistant familial est en début de grille conventionnelle.
Rémunération légale Rémunération conventionnelle
  • 1re part (1er au 30 du mois) :
    Smic : 1678,95€
  • 2e part (1er au 17 du mois) : (70 x 11.07) x 17/30 = 439.11€
  • Indemnité 2e part de l’enfant absent (18 au 30 du mois soit 13 jours) : 0.8 x 13/30 x (70 x 11.07) = 268.63€

Total pour l’accueil du 2e enfant :439.11 + 268.63 = 707.74€

Total : 2386.69€ bruts

 

  • 1re part (1er au 30 du mois) :
    Smic : 1678.95€ (la rémunération conventionnelle est inférieure : 295 x 3.82 x 1.0921 (9.21%) = 1230.68€)
  • 2e part (enfant présent du 1er au 17 du mois) : application de l’article 10.1.4 de l’annexe 11 de la CCN 66 impliquant le versement de la rémunération totale sans prorata

(468-295) x 3.82 x 1.0921 = 721.72€ bruts

Total : 2400.67€

Conclusion : versement de 2400.67€ bruts à l’assistant familial

5.     Augmentation de la rémunération des accueils intermittents (article D. 423-24 modifié du CASF)

A compter du 1er septembre 2022, la rémunération règlementaire et conventionnelle d’un accueil intermittent s’élève à 5.06 fois le Smic (contre 4 fois le Smic auparavant), soit à 11.07€ x 5.06 = 56.01€ par jour et par enfant accueilli.

Autrement dit, la rémunération légale est désormais supérieure à la rémunération conventionnelle qui prévoit toujours une référence à 4 mois le Smic[4].

6.     Le versement d’une indemnité de disponibilité en cas d’accueils urgents et de courte durée

Selon les nouvelles dispositions, les employeurs peuvent spécialiser des assistants familiaux dans les accueils urgents et de courte durée[5]. Les assistants familiaux s’engagent alors à recevoir sans délai un nombre d’enfants convenu en amont avec son employeur.

En contrepartie, ils perçoivent une indemnité de disponibilité qui « ne peut être inférieure à 2.25 fois le montant du salaire minimum de croissance, sans pouvoir être inférieure à 90% de la rémunération prévue par le contrat de travail ».

Pour chaque journée de disponibilité, une comparaison doit être effectuée entre le salaire légal (2.25 x Smic horaire) et contractuel (90% de la rémunération contractuelle).

Pour l’heure, nous attendons des précisions de la part de la DGCS pour savoir ce qu’il faut entendre par 90% de la rémunération contractuelle.

7.     L’indemnité en cas de suspension d’agrément

L’article L. 423-8 modifié du CASF dispose : « En cas de suspension de l'agrément, l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section est suspendu de ses fonctions par l'employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois. Durant cette période, l'assistant maternel bénéficie d'une indemnité compensatrice qui ne peut être inférieure à un montant minimal fixé par décret.

Durant la même période, l’assistant familial suspendu de ses fonctions bénéficie du maintien de sa rémunération, hors indemnités d’entretien et de fournitures. […] ».

L’assistant familial a droit au maintien de sa rémunération pendant la suspension de son agrément.

Le décret n’apporte rien de plus que ce que prévoyait déjà la loi du 7 février 2022 ; il ne fait que supprimer l’ancienne indemnisation légale précitée.

L’annexe 11 de la CCN du 15 mars 1966 n’abordait pas la question de la suspension d’agrément. Il existait donc déjà un renvoi aux dispositions légales qui viennent d’être modifiées.

A ce jour, nous ignorons quelle rémunération est visée. A notre sens, il s’agit de la rémunération qu’aurait perçu l’assistant familial s’il avait travaillé, hors indemnité d’entretien et de fournitures.

8.     L’indemnité pour sujétions exceptionnelles (article D. 423-2 modifié du CASF)

Le montant de cette indemnité reste inchangé

L’indemnité pour sujétions exceptionnelles est versée à l’assistant familial accueillant un enfant handicapé, malade ou inadapté. Il bénéficie d’une majoration de rémunération, dès lors que pèsent sur l’assistant familial des contraintes réelles dues aux soins particuliers ou à l’éducation spéciale entraînées par l’état de santé de l’enfant, conformément aux articles L. 423-13 et D. 423-1 et -2 du CASF.

Son montant ne peut être inférieur à :

  • 15,5 fois le salaire minimum de croissance par mois pour un enfant accueilli de façon continue ;
  • la moitié du salaire minimum de croissance par jour pour un enfant accueilli de façon intermittente.

Remarque Nexem. L’article 10.4 de l’annexe 11 de la CCN 66 a repris en l’état les dispositions légales. Le décret n’impacte donc pas les dispositions conventionnelles sur ce point.

Son montant doit désormais figurer dans le contrat d’accueil (article D. 423-2 modifié du CASF)

Dès lors, en dehors de la nécessaire mise à jour du contrat pour les nouveaux accueils, pour les assistants familiaux déjà en poste, il s’agit aussi de rédiger un avenant au contrat d’accueil expliquant les raisons du versement de cette indemnité : enfant handicapé, malade ou inadapté (faisant suite à son état de santé).

Quelles actions mettre en œuvre immédiatement suite à la parution du décret du 31 août 2022 ?

Nous vous conseillons d’ores et déjà :

  • d’informer votre CSE des évolutions de rémunération des assistants familiaux. Concrètement, il convient de les informer que le décret impacte en profondeur la rémunération des assistants familiaux. Au cours de cet échange, un exposé des premières conséquences induites leur sera présenté. Des explications plus techniques pourront intervenir dans un second temps, notamment lorsque le ministère aura apporté des précisions sur la mise en œuvre pratique de ce décret ;
  • de vous rapprocher de votre prestataire de logiciel paye pour commencer à prendre en compte les nouveaux paramètres et voir comment articuler les dispositions légales et conventionnelles ;
  • de prévoir pour les nouveaux embauchés, un nouveau contrat de travail contenant les dispositions légales issues de la loi du 7 février 2022 et du décret du 31 août 2022 ;
  • de prévoir pour les salariés en poste, une modification de leur contrat de travail via la remise d’un avenant à leur contrat de travail indiquant le nombre d’enfants accueillis.
  • de prévoir la mise à jour du contrat d’accueil remis aux assistants familiaux afin d’y faire figurer l’existence de l'indemnité pour sujétions exceptionnelles (le cas échéant).

Des modèles seront mis à disposition prochainement, ainsi que de nouvelles précisions techniques. Nous continuons à cet égard d’échanger avec le ministère afin d’avoir de plus amples informations et vous accompagner au mieux.

[1] Article 2 du décret du 31 août 2022.

[2] Article D. 423-25-2 nouveau du Code de l’action sociale et des familles.

[3] Article D. 423-25-2 nouveau du CASF).

[4] Article 10.2 de l’annexe 11.

[5] Article L. 423-30-1 du CASF.