CE, 10 juillet 2019, n° 408644

Légalement, la messagerie professionnelle ou les fichiers créés et/ou enregistrés sur l’ordinateur professionnel sont réputés avoir un caractère professionnel. En conséquence, toute personne peut y avoir accès sans que le salarié concerné soit présent ou informé.

Toutefois, lorsque ce dernier a indiqué de manière explicite que le contenu d’un mail ou d’un fichier est personnel, il est strictement interdit de le consulter sans son accord préalable et exprès.

L’arrêt cité en référence rappelle d’ailleurs cet état du droit dégagé par une jurisprudence constante en la matière.

En l’espèce, un salarié, titulaire d’un mandat de délégué syndical et de conseiller prud’homme, s’est connecté, sans l’accord de son collègue sur sa messagerie professionnelle en dehors du temps de travail et du lieu de travail. Il a accédé à des messages expressément identifiés comme ayant un caractère personnel. Des poursuites pénales ont alors été engagées à son encontre. Par la suite, l’employeur a demandé et obtenu l’autorisation de pouvoir le licencier pour faute après un recours hiérarchique (l’inspecteur du travail ayant refusé de donner son autorisation). Le salarié fautif conteste cette dernière. Il estime, en effet, que cette consultation litigieuse s’est déroulée en dehors du cadre du travail et que le délai pour le sanctionner avait été dépassé (étant donné qu’il se prescrit par deux mois à compter de la connaissance des faits par l’employeur).

Le Conseil d’État ne valide pas son raisonnement.

Il rappelle qu’en principe un salarié ne peut être licencié pour faute lorsqu’il a agi en dehors du temps et du lieu de travail, sauf si cela traduit la méconnaissance d’une obligation découlant de son contrat. En l’espèce, le fait, pour un salarié, d’utiliser les outils informatiques mis à sa disposition pour s’introduire dans la messagerie professionnelle d’un collègue sans son accord et de détourner sa correspondance identifiée comme personnelle est une méconnaissance de l’obligation de loyauté (obligation découlant de son contrat). Il importe alors peu que les faits se soient produits en dehors du temps et du lieu de travail.

De plus, l’argumentaire du salarié sur la prescription du délai concernant sa sanction n’est pas valable. En effet, l’article L. 1332-4 du Code du travail dispose expressément qu’« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ». Or, en l’espèce, une action pénale a bien été engagée à l’encontre du salarié concerné, ce qui a donc eu pour effet de suspendre ledit délai de 2 mois.

En conclusion, il faut retenir que la simple consultation par un salarié protégé ou non d’une messagerie professionnelle ou de tout autre outil professionnel d’un autre salarié sans son accord pour lequel le contenu a été strictement identifié comme personnel justifie une sanction disciplinaire (quand bien même les faits auraient eu lieu en dehors du temps et du lieu de travail) dans la mesure où cela constitue un manquement à son obligation de loyauté.