Par Nicolas Rouland, juriste en droit social

Cas n° 1 : un membre titulaire du CSE octroie 4 heures de délégation à un suppléant tous les mois. Ce dernier peut-il reporter partie ou totalité de ces 4 heures de délégation s’il ne les utilise pas dans le mois ?

L’article R. 2315-6 du Code du travail permet effectivement aux membres de la délégation du personnel du Comité social et économique (CSE) de répartir avec les autres membres titulaires ou suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent. L’employeur doit toutefois être tenu informé, par écrit, de cette mutualisation par le membre titulaire au plus tard 8 jours avant la date prévue pour leur utilisation. Cette information écrite doit indiquer l’identité des membres concernés, ainsi que le nombre d’heures mutualisées pour chacun d’eux.

En premier lieu, dans la mesure où le Code du travail subordonne la mutualisation des heures de délégation à l’information écrite de l’employeur dans un délai de 8 jours avant la date prévue pour leur utilisation, une mutualisation automatique mensuelle des heures de délégations nous apparaît en pratique difficilement envisageable.

En second lieu, nous estimons que le membre suppléant ne peut reporter les heures de délégation dont il bénéficie au titre du mécanisme de mutualisation prévu par l’article R. 2315-6 du Code du travail.

De la même façon, nous estimons également qu’un membre suppléant ne peut pas lui-même mutualiser avec un autre membre du CSE suppléant ou titulaire les heures de délégation dont il a bénéficié par mutualisation.

Il semble en effet, à la lecture des textes, que l’intention du législateur a été de prévoir les mécanismes de report et de mutualisation pour les seuls membres du CSE disposant d’un volume individuel d’heures de délégation, et partant, aux seuls membres titulaires.

Nous considérons donc que le membre suppléant du CSE n’aura pas la faculté de reporter partie ou totalité des 4 heures de délégation dont il aura bénéficié pour un mois donné au titre du régime légal de mutualisation.

Cas n° 2 : un membre titulaire du CSE, bénéficiant de 26 heures mensuelles de délégation, n’utilise que 10 heures au mois de mai. Il dispose ainsi, en principe, de 42 heures au total (26 h + (26h - 10h) au début du mois de juin. Toutefois, et compte tenu de la limite légale du report autorisée (1,5 fois le crédit d’heure initial), il ne peut en principe pas bénéficier de plus de 39 heures de délégation/mois. Les 3 heures (42h-39h) restantes sont-elles alors reportables sur le mois de juillet ?

Nous estimons effectivement que la limite de 1,5 crédit d’heures applicable en cas de report et de mutualisation doit s’apprécier au regard du seul volume initial d’heures individuel mensuel convenu. Il ne doit donc pas être tenu compte d’un volume d’heures supérieur pouvant résulter d’un report ou d’une mutualisation.

L’article R. 2315-5 prévoit en outre que les heures de délégation peuvent être utilisées cumulativement dans la limite de 12 mois.

Dans le cas de figure ici visé, le membre titulaire pourra donc effectivement reporter les 3 heures de délégations au mois de juillet suivant. Mais il pourra également, en principe, reporter ces 3 heures sur n’importe quel mois suivant (août, septembre, octobre, etc.) dans la limite de la période de 12 mois visée par l’article R. 2315-5 du Code du travail.

Cas n°3 : en cas de mutualisation d’heures, M. X donne 20 heures de délégation au mois de mai à Mme Y, titulaire du CSE. Mme Y a déjà 26 heures de délégation pour le mois de mai au titre de son mandat, auxquelles s’ajoutent les 20 heures données, soit 46 heures au total. Ne pouvant pas bénéficier sur le mois de mai de plus 39 heures, les 7 heures restantes (46h - 39h) sont-elles reportables sur le mois de juin ?

Dans ce cas de figure, nous considérons que Madame Y ne pourra effectivement reporter ses heures de délégation que dans la limite de 1,5 fois 26 heures, soit 39 heures, et donc ne reporter concrètement que 13 heures maximum (39 h - 26 h). Peu importe le fait qu’elle ait pu bénéficier de 46 heures au titre de la mutualisation.

Nous estimons en outre que les heures de délégation non prises au-delà de 13 heures, et dans la limite des 26 heures correspondant au volume d’heures individuel, pourront quant à elles être reportées dans la limite de la période de 12 mois, conformément à l’article R. 2315-5 du Code du travail.

Dans l’exemple soumis, les 7 heures non utilisées ne pourront donc pas être reportées le mois suivant, c’est-à-dire au mois de juin, mais pourront être reportées ultérieurement (juillet, août, septembre, etc.) sur la période de 12 mois prévue à cet effet par le Code du travail.

Par ailleurs, et à titre indicatif, si les heures de délégation non prises excèdent le volume individuel d’heures mensuel (26 heures en l’espèce), les heures excédentaires ne seront à notre sens pas reportables et donc perdues, dans la mesure où elles correspondront nécessairement à des heures obtenues par mutualisation.

Exemple. Mme Y bénéficie de 46 heures, dont 20 heures au titre de la mutualisation, au cours d’un mois. Elle n’utilise en définitive que 15 heures au cours de ce même mois. Il lui reste donc un solde de 31 heures (46 h - 15 h). Mme Y ne pouvant reporter sur le mois suivant que 13 heures au maximum, il lui restera donc encore un solde de 18 heures non prises. Sur ces 18 heures, seules les 13 heures comprises dans son volume individuel de 26 heures pourront être reportées sur la période de 12 mois légale. Les 5 heures restantes seront en revanche perdues.