En 2016, une association adhérente a saisi Nexem dans le cadre d'un contentieux l'opposant à l'CCN 66 imposait la proratisation de la réduction.

En raison de ses possibles répercussions sur l’ensemble des adhérents, Nexem a choisi d’apporter son soutien technique et politique pour accompagner l’association dans sa démarche, en appuyant le contentieux pour contester le raisonnement de l’Urssaf et en multipliant les rendez-vous avec les administrations pour faire évoluer le positionnement.

Une nouvelle décision de la Cour de cassation, datant d'avril 2019, nous amène à vous communiquer des informations concrètes sur le sujet.

En outre, la durée légale du travail est toujours prise en considération dans le nouveau dispositif de réduction de charges sociales applicable depuis le 1er janvier 2019.

La problématique

La réduction de charges sociales sur les bas salaires est basée sur un coefficient réducteur dont la formule était, jusqu'au 31 décembre 2018, la suivante :

Coefficient = (T/0,6) x (1,6 x montant annuel du Smic / rémunération annuelle brute - 1)[1]

Elle s'applique ainsi à un salarié travaillant sur la base de 35 heures par semaine ou 1 607 heures par an. Lorsque le temps de travail est inférieur à la durée légale du travail, le Smic à prendre en considération doit être proratisé pour prendre en considération cette durée du travail inférieure à la durée légale. C'est le cas, par exemple, pour les salariés à temps partiel, ce qui ne pose aucune difficulté particulière. En revanche, selon la position prise par certaines Urssaf et par la Cour de cassation, la proratisation devrait aussi s'appliquer dès lors que le temps de travail effectif serait inférieur à 1 607 heures, quand bien même les salariés concernés seraient bien contractuellement à temps complet et payés sur la base d'un temps plein.

Autrement dit, il ne doit pas être tenu compte du temps de travail rémunéré, mais uniquement du temps de travail effectivement réalisé par le salarié à l’année.

Or, compte tenu de l’attribution des congés trimestriels, les salariés relevant de la CCN 66 ont majoritairement un temps de travail effectif inférieur à 1 607 heures. Ainsi, pour les salariés ayant 18 jours de congés trimestriels, le Smic devrait être pondéré dans la formule de calcul de la réduction par un coefficient de 1449[2]/1607, comme si ces salariés étaient des salariés à temps partiel, car ne travaillant pas l’équivalent de la durée légale de travail prévue pour un salarié à temps complet.

La position prise par ces Urssaf nous semble juridiquement contestable, car elle repose sur une interprétation erronée, d'une part, des dispositions du Code de la Sécurité sociale et, d'autre part, des conséquences d'une augmentation du nombre de jours de congés annuels sur le temps de travail effectif.

La position jurisprudentielle

A l’origine, certaines associations ont obtenu gain de cause à l’encontre de la position prise par l’Urssaf. Citons par exemple, une décision du Tribunal des affaires de Sécurité sociale d'Indre-et Loire intervenue le 23 juillet 2012, qui a été favorable à une association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales, et à l'encontre de laquelle l'Urssaf n'a pas fait appel.

De même, la cour d’appel de Toulouse du 19 février 2016 a donné raison à l’association soutenue par Nexem.

Cependant, la Cour de cassation dans un arrêt du 30 novembre 2017[3] a annulé cet arrêt, estimant que la cour d’appel s'était appuyée à tort sur une disposition conventionnelle, à savoir les congés trimestriels, pour motiver sa décision, alors qu'elle ne pouvait la motiver que sur le fondement des dispositions du Code de la Sécurité sociale. La Cour de cassation a renvoyé l'affaire devant la cour d’appel de Pau, qui s'est alignée sur sa position.

La Cour de cassation vient de confirmer sa position initiale en rejetant, dans un arrêt non motivé, un deuxième pourvoi de l'association adhérente.

En revanche, dans d’autres décisions portant sur des problématiques similaires et concernant d’autres secteurs d'activité, la Cour de cassation a eu une autre analyse, plus favorable aux employeurs [4].

Cependant, en l'état actuel de la jurisprudence concernant le secteur social et médico-social, il convient d'être très prudent quant aux chances de succès de nouveaux contentieux.

Les actions déjà menées par Nexem

Nexem a soutenu et continue de soutenir les associations ayant rencontré des difficultés avec leurs Urssaf, en leur apportant l'argumentaire à soutenir et en intervenant volontairement dans les procédures devant la Cour de cassation.

Toutefois, au regard de la position de la Cour de cassation qui semble bien établie, Nexem a entrepris des démarches auprès des autorités administratives concernées, à savoir de l'DGCS, pour sécuriser la situation.

L’objectif est d'évoquer ce contentieux, ainsi que ses effets collatéraux pour tous les employeurs appliquant la CCN 66 ou les accords collectifs CHRS, et de trouver une issue favorable à cette situation notamment s’agissant des conséquences financières.

Pour l’heure, Nexem a pu rencontrer l’Acoss ; celle-ci nous a affirmé qu’il n’y avait pas de volonté d’étendre les contrôles et redressements sur le sujet dans notre secteur.

Des rendez-vous sont en cours de réalisations auprès des autres institutions précitées.

Il n'est pas envisageable de rester dans une situation où, d'une part, les allégements de cotisations sociales pourraient être proratisés alors que les salariés sont bien payés à temps plein, et que les financements publics prennent en considération des charges sociales réduites des allégements. En outre, la mise en œuvre du principe établi par les juges pose de nombreuses difficultés pratiques pour calculer la réduction de charges.

Les préconisations de Nexem

Au vu de la toute dernière position de la Cour de cassation, il est peu probable que l’issue judiciaire soit favorable pour le secteur. Nous ne pouvons donc qu’inciter à la prudence sur ce sujet.

Si, à notre connaissance, peu d’associations ont rencontré cette difficulté avec leurs Urssaf, il n’est pas impossible que le problème s’étende sur le territoire.

Les risques sur les périodes antérieures à 2019

Pour l’heure, il apparaît préférable d’adopter une position prudente en provisionnant, si possible, les sommes correspondant à la diminution des allègements de charges en vue d’un prochain contrôle / redressement de l’Urssaf pour les années passées. Le risque porte sur les années 2016, 2017 et 2018. Le coût est estimé entre 1 et 2 % de la masse salariale par année.

Dans l’hypothèse d’un contrôle, nous vous invitons à prendre contact avec Nexem pour vous aider à soutenir un argumentaire mais aussi car ces remontées d’informations sont utiles dans les actions entreprises au niveau national. Vous pouvez envoyer vos informations à juridique@nexem.fr.

En 2019 et pour les années qui suivent

Compte tenu de la rédaction des nouvelles dispositions relatives à la réduction de cotisations, le risque existe toujours dans la mesure où le temps de travail entre en ligne de compte.

Dès lors, pour l’ensemble des associations, dès cette année, il conviendrait de prendre en compte ces modalités de calcul de la réduction et intégrer la diminution de cet allègement de charges dans les futurs budgets et état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD).

Si l’association fait l’objet d’un redressement sur ce point, il est toujours possible de faire les recours juridiques, mais l’issue d’une décision favorable demeure toutefois incertaine au regard de l’évolution de la jurisprudence.

Les actions à venir de Nexem

Nexem poursuit ses démarches de lobbying auprès des pouvoirs publics pour faire valoir ses arguments, afin de sensibiliser les pouvoirs publics sur l’importance du sujet et obtenir une issue favorable aux intérêts des adhérents. De nouveaux rendez-vous sont pris dans les ministères, auprès des financeurs et avec les conseillers de l’Élysée et de Matignon.

Deux objectifs à ce lobbying :

  • tout d’abord, il convient de s’assurer que le financement des éventuels redressements sera pris en charge par les financeurs ;
  • ensuite, il s’agit de faire valoir notre argumentaire, quitte à faire évoluer la législation pour préciser son application et éviter tout risque d’interprétation défavorable aux associations. Pour appuyer notre action, nous avons chiffré les coûts éventuels pour l’ensemble des associations, les chiffres permettant à nos interlocuteurs de mieux appréhender l’importance du problème.

Si ce dernier concerne avant tout la CCN 66, on ne peut exclure son extension à tout cadre juridique similaire. Nexem se rapproche donc des autres employeurs du secteur et de leurs représentants pour partager l’expertise et organiser des démarches communes.


[1] Article D. 241-7 du Code de la Sécurité sociale.

[2] Durée de travail conventionnelle définie par l’accord cadre du 12 mars 1999 pour les établissements appliquant la CCN 66 et dont le temps de travail des salariés est annualisé.

[3] Numéro de pourvoi : 16-15712 Non publié au bulletin.

[4] Cass Soc, 12 juillet 2018, n° 17-20539, non publié au bulletin.