Rencontre avec Insufflo, une entreprise ESUS qui accompagne les organisations dans la prise en compte des surdités et la prévention auditive

1 adulte sur 4, entre 18 et 75 ans, est concerné par des troubles de l’audition (Inserm, 2022). Ces surdités, souvent invisibles, entraînent une adaptation constante et fatigante, même avec le port d’aides auditives. Les conséquences sont lourdes : renoncement à la participation sociale, isolement ou désinsertion professionnelle. Ce sujet reste encore trop peu pris en compte, alors que des solutions accessibles, concrètes et efficaces existent. Accompagnés en 2024 par l’Accélérateur 21 dans le cadre du programme Santé, Emploi et Handicap soutenu par l’OETH, Solène Nicolas et Samuel Poulingue ont fondé Insufflo, une entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS) qui œuvre pour une meilleure inclusion et de meilleures conditions de travail des salariés sourds et malentendants au sein des organisations employeuses. Leur ambition : que la surdité ne soit jamais un frein à la communication ni à la place de chacun dans le monde du travail.
 

Solène, pouvez-vous nous dire comment est né Insufflo ?

Solène Nicolas : De mon côté, j’ai d’abord découvert la surdité en tant que personne malentendante. Dans le monde associatif, j’ai eu la chance de rencontrer, des pairs qui m’ont transmis des informations précieuses et un vrai soutien. J’y ai compris combien la transmission et le partage d’expérience peuvent transformer un parcours.

Samuel, lui, accompagnait une association de personnes malentendantes dans la création d’un poste dédié au développement de services d’accessibilité. Le sujet l’a immédiatement passionné.

À cette époque, nous ne nous connaissions pas encore, mais nos chemins suivaient déjà des lignes parallèles, portées par une même conviction : tant de choses pouvaient être améliorées dans le domaine des surdités et de l’accès à la communication. 

Après quinze années d’expériences complémentaires, entre milieu associatif et entrepreneuriat social, l’envie d’un projet commun s’est imposée : en 2024, nous avons fondé Insufflo, pour allier accompagnement, transmission et développement de pratiques favorisant une communication accessible à tous.

Quelle est l'ambition sociale d’Insufflo ?

S.N. : Nous accompagnons les personnes concernées par une surdité et leur entourage à mieux vivre avec ce handicap, dans les meilleures conditions possibles, sans renoncer à communiquer.

Concrètement, nous aidons les structures à organiser, techniquement et humainement, les conditions d’une communication fluide : choisir des outils ad hoc, adapter les espaces, sensibiliser les équipes, lever les obstacles invisibles qui empêchent parfois de se comprendre, de percevoir une alerte sonore, de téléphoner, de participer à une réunion ou à des moments de convivialité.

En parallèle, nous coopérons aussi dans le cadre de projets de recherche-action, à des expérimentations. L’accompagnement en lien avec les surdités est un vaste sujet. Nous continuons chaque jour à l’explorer, à apprendre et à améliorer les modalités et contenus de nos interventions.

Quels types d’accompagnement proposez-vous aux organisations ?

S.N. : Nous proposons des accompagnements individuels et collectifs pour identifier les obstacles liés à la surdité, adapter les pratiques et choisir les outils adéquats aux besoins et aux situations.

• Des accompagnements sur poste de travail : analyse des besoins, tests, préconisations, formation et sensibilisation de l’entourage professionnel.
• Du coaching individuel et collectif, pour soutenir la mise en œuvre des pratiques d’accessibilité.
• Nous intervenons aussi en prévention auditive, notamment auprès des salariés exposés au bruit, via des ateliers sur le port des protections auditives, un enjeu majeur pour plus de 5 millions de travailleurs en France (Santé publique France, 2025). 

Quels effets observez-vous chez les professionnels et les employeurs ?

S.N. : Pour les professionnels sourds ou malentendants, c’est souvent un tournant : ils découvrent de nouvelles perspectives et la possibilité de prendre en compte des besoins jusqu’alors non couverts. Les retours sont très positifs : mieux-être au quotidien, fatigue réduite, confiance accrue dans les échanges professionnels. Notre accompagnement leur apporte des billes pour exprimer leurs besoins, s’approprier des outils et des solutions concrètes pour déployer leurs compétences et participer pleinement à la vie de leur équipe. Du côté des employeurs, ces accompagnements font émerger une véritable prise de conscience. Ils déconstruisent certaines idées reçues, comme celle que les aides auditives et la lecture labiale suffisent à tout comprendre, et font de la surdité un enjeu collectif d’accessibilité et de qualité de vie au travail. Les équipes deviennent actrices : elles adaptent leurs pratiques, partagent les solutions et renforcent la cohésion. Résultat : une communication plus fluide, des échanges plus sereins et un environnement de travail plus inclusif.

Quelles sont les prochaines étapes pour Insufflo ?

S.N. : Depuis mai 2025, nous menons une expérimentation avec l’OETH dans le cadre d’un partenariat visant à approfondir et documenter l’accompagnement des surdités et ses spécificités dans le secteur sanitaire, social et médico-social associatif.

Dans le cadre de ce programme, nous expérimentons 3 formats d’accompagnement auprès d’une vingtaine de salariés sourds ou malentendants :

• Ateliers d’équipe au moment d’une prise de poste ou d’une surdité brusque ;
• Aménagements de poste, pour rendre la communication et les alertes accessibles ;
• Coaching personnalisé pour surmonter les blocages qui limitent l’accessibilité.