Par Christophe Guedes, juriste référent

Instaurée par l’ordonnance Macron n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, la mise en place du comité social et économique (CSE) au sein des associations d’au moins 11 salariés, en remplacement des anciennes instances représentatives du personnel (IRP)[1], devait se faire au terme des mandats en cours de ces IRP, et au plus tard le 31 décembre 2019.

Depuis le 1er janvier 2020, l’ensemble des mandats des anciennes IRP ont ainsi automatiquement pris fin.

A noter. Le mandat de délégué syndical ne prendra fin qu’au plus tard lors du 1er tour des élections du CSE.

Le CSE doit donc avoir été créé dans toutes les associations d’au moins 11 salariés, à condition bien entendu que leur effectif d’au moins 11 salariés soit toujours atteint pendant 12 mois consécutifs[2].

Or, il faut constater qu’à ce jour, certaines associations n’ont toujours pas installé leur CSE.

Pour la ministre du Travail, les associations concernées ne peuvent toutefois pas maintenir leurs anciennes IRP après le 31 décembre 2019. Aucun report de la date butoir de mise en place du CSE n’a été autorisé, au motif que les associations intéressées ont déjà bénéficié d’un délai suffisamment important pour élire leur CSE[3].

Les associations qui n’auraient pas encore mis en place leur CSE au 1er janvier 2020 se retrouvent, par conséquent, privées d’IRP. Elles peuvent juridiquement être considérées dans ce cas en situation de délit d’entrave passible de sanctions pénales (un an d’emprisonnement et 7 500 € d’amende)[4], les anciennes IRP pouvant alors alerter l’inspection du travail ou directement saisir le tribunal correctionnel à ce titre.

Un tel délit d’entrave ne sera pas constitué si cette absence de mise en place du CSE est principalement due à la prorogation des mandats des anciennes IRP au-delà du 31 décembre 2019 intervenue à la suite de :

  • une saisine de la Direccte.
    Rappel. La Direccte peut être saisie dans deux cas de figure qui sont susceptibles de reporter au-delà du 31 décembre 2019 la date des élections du CSE, à savoir :
  • un litige portant sur la décision unilatérale de l’employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts,
  • un désaccord sur la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux.

Dans ces deux cas de figure, il est prévu que, lorsque la saisine de la Direccte intervient dans le cadre d’un processus électoral global, ce processus est suspendu jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation automatique des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin, ce qui doit être entendu, y compris au-delà du 31 décembre 2019.

En cas de contestation de la décision de la Direccte avant le 31 décembre 2019 devant le Tribunal d’instance, la saisine de cette juridiction a pour effet de proroger les mandats en cours jusqu’à la proclamation des résultats, dès lors que le jugement du Tribunal d’instance peut se substituer à la décision de la Direccte.

  • une saisine du Tribunal d’instance. En l’absence de mise en place du CSE, la saisine du Tribunal d’instance avant 31 décembre 2019 a pour effet de proroger également les mandats jusqu’à la proclamation des résultats des élections du CSE, y compris au-delà du 31 décembre 2019. Cette saisine peut intervenir soit en l’absence d’accord sur les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales, soit dans le cadre du contentieux préélectoral.

De même, il est raisonnable de penser qu’étant donné que la volonté d’entraver la mise en place du CSE doit être caractérisée pour que l’infraction puisse être constituée et punie, un simple retard dans la mise en place du CSE ne devrait pas, à notre sens, être constitutif d’un tel délit d’entrave, sous réserve que :

  • des démarches en ce sens ait déjà été entreprises avant le 1er janvier 2020 ;
  • la constitution du CSE intervienne rapidement dans les premières semaines de l’année 2020.

En plus de l’éventuel délit d’entrave, les associations qui n’auraient pas encore mis en place un CSE au 1er janvier 2020 s’exposent au risque de voir leur responsabilité civile engagée, soit par un salarié[5], soit par une organisation syndicale[6]. L’absence d’organisation des élections, et de fait de mise en place du CSE, peut alors donner lieu, en cas de contentieux, à l’octroi de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Au-delà des éventuelles sanctions pénales et civiles, une telle absence de mise en place du CSE au 1er janvier 2020 peut, par ailleurs, avoir des conséquences sur le fonctionnement de l’association, en particulier pour toutes les décisions importantes à venir qui nécessiteraient obligatoirement le respect des procédures d’information/consultation du CSE, comme notamment :

  • le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle ou non professionnelle ;
  • le licenciement collectif pour motif économique ;
  • la dénonciation d’un usage ;
  • la mise en place ou l’opposabilité d’un règlement intérieur ;
  • la mise en place de l’intéressement au sein de l’association ;
  • toutes les décisions engageant la marche générale de l’association, etc.

Dans un tel contexte, il est recommandé en conséquence d’engager au plus vite le processus électoral afin de permettre une représentation effective du personnel et de disposer d’interlocuteurs légitimes pour accompagner le développement de l’association, de ses effectifs et les nécessités d’évolution du statut collectif.

En attendant la mise en place du CSE, il sera aussi primordial de reporter toutes les décisions nécessitant l’information/consultation du CSE.


[1] Il peut s’agir des délégués du personnel (DP), des membres du comité d’entreprise (CE), des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), des membres de la délégation unique du personnel (DUP).

[2] Article L. 2311-2 du Code du travail.

[3] Intervention de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, faite le 7 novembre 2019 lors du 53e congrès de la CFTC à Marseille.

[4] Article L. 2317-1 du Code du travail.

[5] Cass. soc., 17 mai 2011, n° 10-12852 ; Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-22224.

[6] Cass. soc., 7 mai 2002, n° 00-60282.