Luis, vous accompagnez depuis plusieurs années des personnes âgées et/ou en situation de handicap bénéficiant d’une mesure de protection au sein d’ESMS ainsi que les équipes soignates. Quel regard portez-vous sur l'efficacité de cette protection ? Quels en sont les aspects positifs et négatifs ?

Les personnes protégées représentent un public vulnérable qui a besoin d’être accompagné d’un point vue administratif et financier. Cet accompagnement joue un rôle primordial dans leur quotidien. De manière générale, je constate une bonne gestion administrative et financière qui sécurise l’accompagnement des personnes protégées. Leurs droits sont garantis et protégés.

Mais il existe aussi un accompagnement social, relationnel dont les services tutélaires doivent se saisir. Ce dernier peut paraître moins évident quand on évoque la protection juridique des majeurs, et il est pourtant à mon sens essentiel dans l’exercice quotidien d’une mesure de protection.

Le lien entre le service tutélaire et la personne protégée ou les ESMS est parfois très limité. Il y a une problématique d’absence : parfois certains MJPM viennent plusieurs fois par an, certains ne viennent jamais, ce qui rend difficile la mise en place d’un accompagnement de qualité.

La coordination entre les services tutélaires et les structures médico-sociales est essentielle pour un accompagnement de qualité. Comment envisagez-vous son amélioration ? Quelles solutions pourraient être mises en place pour renforcer cette coopération et répondre au mieux aux besoins des personnes protégées ?

Il est important qu’il y ait plus de liens entre les services tutélaires et les ESSMS.

Bien souvent les structures n’osent pas solliciter les services ou peinent à identifier leurs rôles, qu’ils cantonnent à des aspects budgétaires.

De la même manière, il y a une méconnaissance des services tutélaires de la vie en institution et des possibilités de coopération qui peuvent se créer.

Des réunions d’information devraient se réaliser entre chaque secteur afin de mieux se comprendre.

Le MJPM peut être un vrai passage de témoin lors de l’arrivée d’une personne protégée de son domicile en structure. Il permet de transmettre des informations sur la vie de la personne et ses habitudes, auxquelles les ESMS n’auront jamais accès en l’absence de tiers (vie passée, goûts, passions).

Aussi, faire des points réguliers en équipe, au moins une fois par trimestre, que ce soit par téléphone, e-mail ou visite me semble un élément de réponse allant vers une meilleure coordination.

Participer aux projets personnalisés est également une piste à envisager. Bien souvent les services tutélaires signent les documents et ne participent pas à leur élaboration.

La santé mentale est de plus en plus abordée dans le cadre de l’accompagnement médico-social. Selon vous, quel impact les mesures de protection ont-elles sur la santé mentale des personnes que vous accompagnez, mais aussi sur le bien-être des équipes soignantes et encadrantes dans les ESMS ?

La question de la réactivité des services tutélaires est cruciale face aux sollicitations des ESMS et est en lien avec cette notion de santé mentale.

Parfois un simple besoin de vêture non solutionné peut être compliqué à gérer et générer beaucoup d’anxiété auprès des personnes protégées et de stress auprès des équipes soignantes.

Pour un soignant, c’est impactant de voir une personne sans ressources ou sans réponse à ses besoins.

La santé mentale ne concerne pas que les maladies psychiques, cela va bien au-delà. Il y a une santé mentale du quotidien : la frustration liée à l’absence, au manque en est un versant. La nécessité de l‘écoute de la personne protégée le sujet de la considération également.

En conclusion, quel regard portez-vous sur l’évolution de la protection juridique des majeurs (PJM) et son articulation avec les ESMS ? Quels enjeux sont selon vous à anticiper pour une meilleure coordination dans les années à venir ?

A mon sens, la PJM est encore trop figée dans les ESMS. Elle manque de mouvance, très peu de choses ont été entreprises pour révolutionner les pratiques, et faciliter les liens entre structures. C’est en partie lié au manque de temps, au turn-over qui touche le secteur médico-social et la PJM, et la méconnaissance des métiers et fonctions de chacun.

L’amélioration de la coordination entre les structures ne peut qu’être bénéfique pour les personnes protégées. Cette nécessaire coordination, permettra de se concentrer sur les besoins de ces personnes, et de repersonnaliser les mesures.

Les structures doivent apprendre à se connaitre, notamment afin de développer des outils favorisant l’expression des personnes dans des cadres institutionnels (communication alternative améliorée etc.)

Il faut garder en mémoire que même quand les personnes ne verbalisent pas, elles ont beaucoup à dire.