Aujourd’hui, nous pouvons annoncer que le dénouement est proche à la suite du dépôt d’un amendement du Gouvernement dans le cadre d’un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne et adopté par l’Assemblée nationale le 18 mars dernier.

En préambule, de manière générale, si le projet de loi s’est fait attendre, on peut noter que les pouvoirs publics ont pris le temps de la concertation avec les partenaires sociaux. A cet égard, Nexem a pu faire connaître ses positions et attentes, notamment via l’UDES ou la CPME.

Grâce à cela, il peut être observé que les conséquences pour les employeurs devraient être moins lourdes que celles craintes à l’origine, raison pour laquelle il était important de suivre nos préconisations qui étaient d’attendre l'intervention des pouvoirs publics pour préciser ou moduler la portée desdits arrêts du 13 septembre 2023. Nous vous proposons un premier aperçu des dispositions qui devraient voir le jour.

Vers un régime distinct en fonction de la nature de l’arrêt de travail

Faisant suite à une décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2024, en matière d’acquisition des droits à congés payés, le Gouvernement a pris le parti de continuer à distinguer arrêt maladie et arrêt de travail d’origine professionnelle (consécutif à un accident de travail ou une maladie professionnelle [AT/MP]) comme le Code du travail le permettait jusqu’à maintenant.

En revanche, pour les arrêts de travail d’origine professionnelle (AT/MP), il n’y aurait plus de limite dans le temps de l’acquisition de congés payés (jusqu’à maintenant, l’acquisition durait pendant un an au titre de l’article L. 3141-5 du Code du travail). A noter que cette règle ne s’appliquerait que pour l’avenir contrairement aux autres dispositions ci-dessous.

S’agissant des arrêts de travail pour maladie dit ordinaire, le législateur envisage de limiter leur acquisition à hauteur de 2 jours par mois d’absence (contre 2,5 jours pour un salarié en situation de travail) avec un maximum de 24 jours (soit 4 semaines) par an.

Pour tenir compte de cette nouvelle règle, il est prévu de nouvelles modalités de calcul de l’indemnité de congés payés dans le cadre de la règle du dixième.

La rémunération correspondant aux périodes d’arrêt maladie ne serait prise en compte qu’à hauteur de 80 % (auparavant, il fallait reconstituer le salaire intégral de l’intéressé pour les périodes assimilées à du temps de travail effectif par la loi ou la convention collective).

Vers un délai maximal de report des congés payés acquis

En dehors de l’acquisition des congés payés, le droit acquis pendant ces périodes d’absences ne serait pas reporté indéfiniment. Le salarié aurait une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser.

De ce délai légal pour la prise des congés payés, va naître une nouvelle obligation d’information à la charge de l’employeur puisque ce dernier devra porter à la connaissance du salarié, dans les 10 jours qui suivent la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen :

-Le nombre de jours de congé payé dont il dispose ;

- La date jusqu’à laquelle ces jours de congé payé peuvent être pris.

En outre, lorsque le contrat de travail est suspendu, en raison de la maladie ou de l’accident, depuis au moins un an, le délai de 15 mois débuterait à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés payés ont été acquis (sans attendre la reprise du travail par le salarié concerné).

Vers un encadrement du droit à régularisation des salariés encore sous contrat

S’agissant des demandes de régularisation des salariés qui seraient encore sous contrat de travail avec l’association, ceux-ci pourraient demander l’application des nouvelles règles y compris de façon rétroactive[1] mais dans un délai de forclusion de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

A noter qu’il s’agit d’un délai identique à celui prévu en matière d’actions portant sur l’exécution du contrat de travail (article L. 1471-1 du Code du travail).

En outre, les congés supplémentaires acquis en application des nouvelles dispositions ne pourraient, pour chaque période de référence, excéder le nombre de jours permettant au salarié de bénéficier de 24 jours ouvrables de congés, après prise en compte des jours déjà acquis, pour la même période.

Vers une limitation dans le temps du droit des salariés ayant quitté l’association

Selon l’avis rendu par le Conseil d'État le 11 mars 2024, pour les salariés qui auraient quitté l’entreprise auprès de laquelle des droits à congés payés pourraient être réclamés pour le passé, ce sont les règles de prescription de droit commun qui s’appliqueraient, à savoir la prescription des salaires de 3 ans (article L. 3245-1 du Code du travail), qui joue pour les actions en paiement d’indemnités compensatrices de congés payés.

Par conséquent, en application de cet avis, les salariés dont le contrat de travail a été rompu depuis plus de 3 ans à la date d’entrée en vigueur de la future loi ne pourraient pas agir en justice pour obtenir le paiement d’indemnités compensatrices de congés payés.

Un débat parlementaire qui reste en cours

Des précisions sont encore attendues notamment pour savoir comment ces nouvelles règles s’articuleront avec les dispositions conventionnelles déjà existantes (notamment de la CCN 66 et des accords collectifs CHRS).

En tout état de cause, de nombreux salariés ont saisi leurs employeurs pour obtenir la mise en conformité de leurs droits avec lesdits arrêts du 13 septembre dernier. D’ici les mois de mai/juin, les employeurs devraient pouvoir répondre à leurs attentes.

A cette occasion, il sera important de spécifier dans les documents délivrés la nature des droits versés et à quelles périodes de référence ils se rapportent, ceci afin d’éviter de nouvelles contestations pour l’avenir.

Enfin, dès que possible, nous communiquerons sur la loi qui sera finalement adoptée au Parlement, sa publication au Journal Officiel étant espérée pour avril/mai (sous réserve de l’absence de saisine du Conseil constitutionnel).  


[1] Depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en vertu de laquelle la Cour de cassation a écarté les règles françaises contraires le 13 septembre dernier.